Un évènement majeur dans le domaine de l’énergie et du climat vient de se conclure en Afrique : le premier Sommet africain sur le climat, qui s’est déroulé du 4 au 6 septembre, à Nairobi au Kenya, et a attiré pas moins de 28 000 participants.
La Presse, 8 septembre 2023
YVAN CLICHE
SPÉCIALISTE EN ÉNERGIE, FELLOW AU CENTRE D’ÉTUDES ET DE RECHERCHES INTERNATIONALES DE L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL
Ce sommet avait une forte dimension politique, dans un contexte où les discussions sur le climat sont de plus en plus tendues entre les pays riches et les pays en développement. Ces derniers rappellent à foison que les pays riches ne respectent toujours pas leur engagement de consacrer 100 milliards de dollars par année aux investissements liés au climat dans leurs pays.
Ces tensions seront assurément au cœur des débats de la prochaine Conférence des Parties (COP 28), le sommet annuel de l’ONU sur les changements climatiques, qui se tiendra au début décembre à Dubaï.
Les divergences de vues entre ces deux parties du monde reposent sur un clivage simple. D’une part, les pays riches ont atteint des niveaux de vie élevés grâce à une forte consommation énergétique basée sur les énergies fossiles, ce qui en fait les principaux responsables du réchauffement climatique.
D’autre part, les pays en développement, dont la cinquantaine d’États en Afrique, ont émis bien peu de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. (Le continent africain n’y contribue qu’à hauteur de 4 %.) Ce qui ne les empêche pas de vouloir atteindre le même niveau de vie que les pays riches. Or, les objectifs de la lutte contre le réchauffement climatique les contraignent à éviter autant que possible ces mêmes énergies fossiles qui ont propulsé le développement des pays riches. D’où ce sentiment d’iniquité et d’injustice.
Défis titanesques
En matière d’énergie, les défis du continent africain sont titanesques. Une large part de sa population, soit près de 600 millions de personnes sur plus de 1,2 milliard d’habitants, n’a pas un accès fiable à de l’électricité. Il faut donc chercher à leur fournir une énergie fiable, sans lequel aucun développement socioéconomique n’est possible.
À ce défi s’ajoute celui de la croissance démographique : la population du continent devrait doubler d’ici 2050. À ces nouveaux citoyens, il faudra bien offrir des perspectives de vie convenable.
Sans surprise donc, l’Afrique attend de la communauté internationale un appui concret et significatif pour accélérer le financement de ses projets énergétiques.
Bien que l’Afrique comprenne 20 % de la population mondiale, elle ne reçoit qu’un maigre 2 % des investissements mondiaux en matière d’énergie propre, indique un rapport conjoint de la Banque africaine de développement et de l’Agence internationale de l’énergie, dévoilé le 6 septembre dans le cadre du Sommet africain sur le climat1.
Selon ce rapport, les investissements énergétiques doivent doubler d’ici 2030, à 200 milliards de dollars par année, afin de fournir un accès universel à l’énergie et de permettre aux pays du continent de respecter leurs objectifs climatiques.
Les pays africains disposent de peu de ressources financières. Pour plusieurs d’entre eux, des dettes publiques extrêmement lourdes limitent leur capacité à financer des projets. Du côté du capital privé, les craintes liées aux risques de nature politique et réglementaire, notamment, entraînent une pression à la hausse des coûts de financement, qui sont deux à trois fois plus élevés si on les compare avec des projets similaires ailleurs dans le monde.
Ce sont là des défis de grande envergure, qui doivent interpeller tous ceux qui ont à cœur d’atténuer les dérèglements climatiques. Les émissions de gaz à effet de serre ne connaissent pas de frontière. Les besoins énergétiques immenses de l’Afrique, sa jeune population aspirant à un avenir décent et sa démographie galopante devraient rappeler aux pays riches que les progrès dans notre combat contre les changements climatiques doivent être faits aussi, et en grande partie même, sur ce vaste continent.