Un leadership nécessaire et bon pour le Québec

Le Devoir, 3 août 2022

«Le plan contient aussi des mesures souhaitées par l’industrie des hydrocarbures en faveur des technologies de captage/stockage du CO2, et de l’hydrogène», écrit l'auteur.
Photo: Jason Franson La Presse canadienne «Le plan contient aussi des mesures souhaitées par l’industrie des hydrocarbures en faveur des technologies de captage/stockage du CO2, et de l’hydrogène», écrit l’auteur.

La semaine dernière, la loi américaine comportant des mesures proclimat intitulée Inflation Reduction Act of 2022, que l’on croyait abandonnée par faute d’appuis au Sénat, a finalement fait l’objet d’une entente à Washington, avec le ralliement tardif du sénateur démocrate Joe Manchin, de la Virginie-Occidentale.

Sans le leadership actif du principal émetteur historique de gaz à effet de serre, et de la deuxième économie émettrice après la Chine, il aurait été difficile d’entretenir tout espoir d’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris, signé en 2015.

Cette loi proclimat assortie de quelque 370 milliards de dollars sur dix ans fait la belle part aux énergies non émettrices (éolien, solaire, géothermie, mais aussi nucléaire) grâce à des incitatifs fiscaux. Les citoyens ne sont pas oubliés, des crédits sont prévus pour l’achat de véhicules électriques et de thermopompes.

Le plan contient aussi des mesures souhaitées par l’industrie des hydrocarbures en faveur des technologies de captage/stockage du CO2, et de l’hydrogène. Ces deux secteurs sont pour cette industrie des planches de salut pour la survie de son modèle d’affaires axé sur l’extraction, le transport et la vente de produits énergétiques sous forme gazeuse ou liquide. La technologie de captage/stockage du CO2 permet en effet la combustion du pétrole et du gaz, mais d’en piéger les molécules de CO2 afin d’éviter leur libération dans l’atmosphère, puis de les stocker dans des formations géologiques souterraines.

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) reconnaît cette technologie comme l’une des voies prometteuses pour décarboner les économies. Mais cette approche est décriée par plusieurs comme une manoeuvre de l’industrie pour poursuivre ses activités, alors qu’on devrait chercher à l’écarter de manière définitive.

Quant à l’hydrogène, l’Union européenne trace la voie, avec sa ferme volonté de se débarrasser des énergies fossiles de la Russie. Son plan REPowerEU, dévoilé en mai, vise d’ici 2030 une production intérieure de dix millions de tonnes d’hydrogène généré par des énergies renouvelables.

Contrairement aux énergies renouvelables, ces deux approches technologiques n’ont pas encore atteint un niveau de développement commercial suffisamment élevé pour les confirmer comme des solutions tous azimuts à l’urgence climatique. Seul le temps long permettra de déterminer leur véritable portée dans les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Chaînes d’approvisionnement

La loi américaine entend aussi accélérer la mise en place de chaînes d’approvisionnement liées à la transition énergétique hors du giron de la Chine, qui occupe une position dominante dans ce secteur, notamment du côté des panneaux solaires et des batteries.

L’invasion de l’Ukraine a montré combien il est risqué pour des pays de se mettre en situation de dépendance énergétique par rapport à des États dirigés par des rivaux stratégiques, plaçant leurs ambitions géopolitiques au-delà des considérations commerciales. Parlez-en à l’Allemagne, qui, en raison des incertitudes de l’approvisionnement en gaz de la Russie, son principal fournisseur, devrait faire face à des rationnements de gaz cet hiver.

Les États-Unis, l’Europe et le Canada veulent ainsi mettre fin à cette domination de la Chine. À preuve, ils ont annoncé en juin la mise en place d’un Partenariat pour la sécurité des minéraux afin d’accroître la fiabilité des chaînes d’approvisionnement pour ces activités.

Malgré le sentiment protectionniste régnant aux États-Unis, l’adoption de cette loi proclimat répond aux souhaits de l’industrie canadienne de l’automobile et des mines, du fait qu’elle s’applique aux producteurs nord-américains et à ceux avec lesquels les États-Unis ont une entente de libre-échange, dont le Canada.

C’est une bonne nouvelle pour le Québec, un partenaire commercial fiable au cadre politique stable et prévisible. La loi américaine va donner de l’élan à l’industrie nord-américaine du stockage de l’électricité, donc des batteries, un pilier central de la réussite de la transition énergétique. Le Québec, on le sait, entend devenir un carrefour de cette industrie (production, recyclage).

Or, comme le signale Desjardins dans une note publiée en mars, ce ne sera pas facile : la concurrence est rude, et dispose souvent de ressources considérables. Mais l’enthousiasme est là, avec des annonces récentes, notamment à Bécancour, qui mise sur son port et son parc industriel de premier plan pour attirer des acteurs de premier plan.

Comme le conclut Desjardins, le grand défi maintenant est de maintenir cet élan afin de consolider la place du Québec dans cette industrie infiniment prometteuse.

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