La crise énergétique en Europe profite à Hydro-Québec

Le Soleil, 5 août 2022

YVAN CLICHE
Fellow, Centre de recherches et d’études internationales de l’Université de Montréal (CERIUM)

POINT DE VUE / La crise énergétique qui sévit en Europe peut sembler lointaine, mais elle a des répercussions concrètes, ici même au Québec.

Avec les baisses déjà enregistrées et celles envisagées des approvisionnements de la Russie, l’Europe cherche du gaz coûte que coûte, notamment par l’importation de gaz naturel liquéfié (GNL) afin de remplir ses stocks au maximum en vue de l’hiver. Résultat : l’Europe a atteint un record de volume d’importation en 2022, de quelque 66 % plus élevé qu’en 2021 (période de janvier à mai).

En quoi cela nous concerne-t-il, au Québec, nous qui ne produisons pas de gaz? Pour comprendre, il faut passer par les États-Unis, qui sont devenus cette année le plus important exportateur de GNL dans le monde, et le plus grand fournisseur de GNL en Europe.

Cette demande accrue pour du gaz américain, notamment dans un contexte de forte demande, contribue à la hausse des prix du gaz dans ce pays. Entre janvier et juin 2021 et la même période cette année, le prix du gaz aux États-Unis n’a rien de moins que doublé, passant de 3,84$ par million de BTU à 7,70$ (1).

Et cette demande, cette tendance à la hausse des prix, devrait se maintenir quelque temps : les stocks sont présentement au plus bas aux États-Unis, ce qui poussera les utilisateurs à les rehausser en vue de l’hiver, et l’Europe entend maintenir à flot ses importations pour parer à toute éventualité.

Pour Hydro-Québec, ce contexte présente de belles opportunités, puisque son principal concurrent sur ses marchés d’exportation est le gaz utilisé dans la production d’électricité. Celui-ci contribue pour presque la moitié (46 %) de la production d’électricité en Nouvelle-Angleterre, un de ses principaux marchés d’exportation.

La révolution des gaz de schiste au milieu des années 2010 y a créé une abondance de gaz, donc une chute brutale des prix, qui ont baissé de moitié. Or depuis plusieurs mois, les prix du gaz ont pratiquement regagné leur niveau d’avant cette révolution technologique.

Sans surprise, Hydro en tire profit. À preuve, ses premiers résultats trimestriels de 2022 indiquent une hausse de 115 millions de dollars tirés de ses ventes à l’exportation par rapport à la même période l’an dernier, et ce malgré une baisse du volume exporté.

Pour l’avenir proche, les prix seront déterminés par l’interaction de différents facteurs : évolution des réserves de gaz, état de l’économie, situation politique en Europe et impact sur le volume acheté de GNL, et la température en Amérique du Nord comme en Europe. Si l’hiver s’avère froid, la pression sur les prix restera élevée, ce qui améliorera les perspectives de ventes d’électricité québécoise chez nos voisins. Car celle-ci est très compétitive en termes de prix, encore plus dans le contexte actuel.

Rappelons qu’en 2021, les exportations ont contribué au quart du bénéfice net d’Hydro-Québec, ce qui lui a permis de verser un dividende de 2,7 milliards au gouvernement.

Le contexte actuel des prix de l’énergie est propice à une hausse sensible des revenus d’Hydro engrangés hors Québec. C’est une situation qui ne s’était pas produite depuis plus d’une décennie.

1-Aux États-Unis, le prix du gaz est exprimé en dollars par millions de British Thermal Unit (BTU) à la livraison au carrefour de gazoducs nommé Henry Hub, en Louisiane.

Les commentaires sont clôturés.