Michael Sabia devient officiellement le nouveau président-directeur général d’Hydro-Québec mardi. Il succède à Sophie Brochu. (Photo d’archives)
PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / GRAHAM HUGHES
- David Beauchamp
Site web Radio-canada, 1er août 2023
Tandis qu’il entame mardi un mandat de cinq ans, le nouveau PDG d’Hydro-Québec, Michael Sabia, hérite de plusieurs défis à relever, notamment en ce qui a trait à la transition et à l’efficacité énergétiques ainsi qu’au prix de l’électricité. Selon des experts, il devra également être en mesure de donner confiance à la population québécoise dans le rôle qu’elle peut jouer pour atteindre ces objectifs.
M. Sabia affirmait le 2 juin dernier que la période où l’électricité est abondante est derrière nous
et qu’il faut garder un esprit ouvert et regarder l’ensemble des options pour améliorer l’offre
énergétique au Québec. Ce constat est partagé par trois experts en questions énergétiques, qui qualifient son entrée en fonctions de moment charnière
pour l’avenir de la société d’État et même du Québec.
La transition énergétique au cœur des préoccupations
Yvan Cliche, ancien délégué commercial d’Hydro-Québec et chercheur au Centre de recherches et d’études internationales de l’Université de Montréal (CERIUM), est optimiste et pense que le nouveau PDG d’Hydro-Québec pourra poursuivre l’orientation stratégique adoptée par la société d’État il y a un an.
L’entrée en poste du nouveau PDG est à marquer d’une pierre blanche parce qu’il s’agit du grand coup de départ de la transition énergétique.Une citation deYvan Cliche, ancien délégué commercial d’Hydro-Québec et chercheur au CERIUM, à ICI RDI
Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, est moins optimiste et affirme que M. Sabia devra rapidement mettre sur pied un plan de transition énergétique clair puisqu’il n’y en a toujours pas à l’heure actuelle.
Tout ce que le gouvernement du Québec et Hydro-Québec ont montré jusqu’à présent est insuffisant en matière de transition énergétique
, a-t-il affirmé à ICI RDI.
Pour les experts, la capacité de la société d’État de mettre en œuvre des projets efficaces est tributaire de la bonne gestion de l’efficacité énergétique. Selon eux, les projets perdront en légitimité s’ils arrivent à saturation trop rapidement.
La confiance
devra donc caractériser le mandat de Michael Sabia puisqu’il devra rassurer les Québécois quant aux décisions que prend Hydro-Québec en matière de transition énergétique tout en assurant l’efficacité de son réseau.
Hydro-Québec devra mettre la main à la pâte pour convaincre la population de réduire sa consommation d’électricité, notamment lors de canicules.
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L’efficacité énergétique exigera des ruptures dans la tarification et dans la manière dont on gère l’énergie dans la province parce que la légitimité des prochains projets sera grandement affectée si on n’arrive pas à maintenir l’efficacité. Il va falloir que les citoyens s’impliquent pour contribuer à réduire la consommation générale d’électricité
, explique M. Pineau
Consommer moins, consommer mieux
Les trois panélistes s’entendent pour dire que la société d’État est arrivée à un point de non-retour quant à son utilisation du kilowattheure (kWh) et qu’elle devra déployer les efforts nécessaires pour maximiser son efficacité énergétique tout en contribuant à la décarbonation et en assurant le développement économique du Québec.
Jean-Pierre Finet, analyste au Regroupement des organismes environnementaux en énergie, soutient que l’électricité qui coûte le moins cher est celle que l’on ne consomme pas
. Ces propos illustrent la nécessité pour Hydro-Québec et pour son nouveau président de mieux gérer l’électricité déjà présente
sur le réseau.
La gestion de chaque kilowattheure sera un des principaux défis de Michael Sabia à la tête d’Hydro-Québec.
À ce chapitre, M. Finet croit que les capacités d’économies énergétiques au Québec existent et qu’elles peuvent être exploitées.
Le potentiel d’économies d’énergie a explosé dernièrement. À mon avis, il est possible d’économiser 30 térawattheures [TWh] sur 10 ans si le gouvernement implante des mesures rentables, comme améliorer le Code de la construction et mettre sur pied un système de cotation énergétique pour les résidences, comme c’est le cas en Europe
, a-t-il expliqué à l’émission Le 15-18, à ICI Première.
Nous ne sommes plus dans la vertu mais bien dans la réalité des choses puisqu’Hydro-Québec et le gouvernement se voient contraints de mieux utiliser le kilowattheure. Beaucoup d’efforts vont devoir être faits pour réduire de 3000 mégawatts la consommation électrique à l’heure de pointe
, ajoute M. Cliche à ce sujet.
Revoir la vente d’électricité
Revoir les modalités de la vente d’électricité, tant à l’extérieur de la province qu’aux résidences au Québec, sera aussi une des tâches de M. Sabia. Les experts interrogés pensent qu’Hydro-Québec peut atteindre cet objectif tout en réalisant la transition énergétique et en assurant un maximum d’efficacité du réseau.
À ce sujet, M. Pineau est d’avis qu’il doit y avoir une augmentation des tarifs et une révision de la structure tarifaire de la société d’État, tout cela à l’avantage de la population québécoise.
Le gros de notre tarification est au kilowattheure, mais on devrait aussi payer en fonction des kilowatts de pointe qu’on apporte sur le réseau. Payer plus cher ne sera pas au détriment de la population, au contraire : ce sera nous enrichir en permettant à Hydro-Québec d’économiser et d’ensuite investir dans les programmes que les Québécois veulent avoir.
Le Québec achemine beaucoup d’électricité aux États-Unis grâce aux nombreux barrages du Labrador.
Pour ce qui est de la vente d’électricité hors Québec, notamment dans le Nord-Est américain, Yvan Cliche souligne l’importance de l’électricité québécoise pour la décarbonation de tout le monde en insistant sur le rôle et sur les gains financiers que le Québec peut obtenir en poursuivant dans cette direction.
Il ne faut pas oublier que chaque kilowattheure aide nos voisins à décarboner. Un gaz à effet de serre ne regarde pas la provenance géographique, donc si notre électricité peut contribuer à décarboner, je ne vois pas pourquoi on s’en priverait.
Une citation deYvan Cliche, ancien délégué commercial d’Hydro-Québec et chercheur au CERIUM
Une lettre plutôt qu’une conférence de presse
Bien qu’il n’ait pas accordé d’entrevue lors de sa première journée en tant que nouveau PDG d’Hydro-Québec, Michael Sabia a envoyé une lettre à ses employés dans laquelle il cible cinq grandes priorités pour la société d’État, celles-ci rejoignant les priorités établies par les experts interrogés par Radio-Canada.
En plus de vouloir miser sur la sobriété en carbone et sur une meilleure consommation de l’électricité, M. Sabia souhaite établir des partenariats avec les communautés autochtones du Québec. Je crois sincèrement que travailler dans un esprit de partenariat constitue le meilleur chemin vers la réconciliation
, a-t-il indiqué dans sa missive.
M. Sabia compte approfondir
sa réflexion au cours des prochains mois afin de prioriser ce qui est important
.
Avant ce rôle, Michael Sabia a été à la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) de 2009 à 2020. Il était d’ailleurs présent lors de la phase de démarrage du projet du REM, officiellement mis en service lundi.
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