Pax Medicalis. Le dialogue entre Israéliens et Palestiniens par l’entremise de la médecine

Entrevue avec le Dr Jacques Kadoch, spécialiste renommé de la fertilité

La Voix sépharade, septembre 2023 (pp.44-45)

Yvan Cliche

Les photos et les vidéos de son site Facebook sont sublimes. Du 23 au 30 avril derniers, le Dr Jacques Kadoch, gynécologue-obstétricien, sommité dans le domaine de la fertilité, y raconte au quotidien son « voyage pour la paix » en Israël et dans les Territoires palestiniens dans le cadre d’une mission organisée par Pax Medicalis. 

  Cette association bénévole, fondée en France en 2003 par le Dr Daniel Bensoussan, organise annuellement une mission d’étude et de rencontres entre des médecins de France, du Québec et des homologues israéliens et palestiniens. Au programme : visite des principaux hôpitaux, cliniques, facultés de médecine et centres de recherche d’Israël et des Territoires palestiniens.

  Né à Rabat (Maroc) en 1971, Jacques Kadoch a complété ses études de médecine en France. Il s’intéressait initialement à l’oncologie gynécologique, mais sa rencontre avec le réputé Pr René Frydman, expert mondialement reconnu dans le domaine de la fertilité, le mène vers un autre champ médical : les traitements pour la fertilité. Cette rencontre déterminante avec le Pr René Frydman l’ancre définitivement dans cette spécialité. Il a participé, aux côtés de ce dernier, à la conception du premier bébé à partir d’une technique médicale révolutionnaire en 2000 : la maturation in vitro.

   Fort de cette expérience médicale, le Dr Jacques Kadoch est recruté en 2003 par l’Université de Montréal (UdeM), où il est aujourd’hui professeur agrégé de clinique. Il a été directeur du programme d’endocrinologie gynécologique de la reproduction et de l’infertilité de l’UdeM. Il exerce au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). Il est également membre fondateur de la clinique Ovo, spécialisée entre-autres dans le domaine de la santé reproductive et obstétricale, où il occupe la fonction de directeur médical. Il est aussi le directeur de la recherche de Fertility Partners, un consortium regroupant treize cliniques de fertilité au Canada. Il est le lauréat du prix Marinko M. Biljan Memorial, que lui a décerné la Société canadienne de fertilité et d’andrologie (CFAS) pour ses contributions majeures au domaine de la fertilité et de la recherche.

  L’édition 2023 Pax Medicalis a eu un cachet fort particulier. Pour la première fois, une délégation de médecins provenant du Maroc, venus découvrir les réalités médicales propres à la région, y a participé.  Plusieurs d’entre eux se sont sentis tout à fait chez eux en Israël : le pays compte en effet près d’un million de Juifs originaires du Maroc, dont un bon nombre parlent l’arabe dialectal marocain.

  La mission a permis la signature d’ententes de collaboration entre des hôpitaux israéliens et des hôpitaux marocains. Un bel accomplissement dont les bénévoles de Pax Medicalis sont particulièrement fiers.

  Dans une entrevue accordée, en mai, à la chaîne de télévision israélienne i24 News, le président et fondateur de Pax Medicalis, le Dr Daniel Bensoussan, a rappelé que l’édition 2023 de cette mission s’inscrivait dans l’esprit des accords d’Abraham, scellés fin 2020 entre Israël et le Maroc. Objectif : bâtir, sur le plan médical, une coopération entre les deux pays qui s’est déjà fructueusement déployée dans d’autres domaines : l’énergie, l’agriculture, le tourisme, la défense, etc.

 Le Dr Mohammed Zarkaoui, chirurgien marocain spécialisé en infertilité et en endiométriose, a indiqué pour sa part que cette collaboration entre le Maroc et Israël « ne fait que commencer », avec à venir une intensification des partages d’expériences et des recherches conjointes, qui ne peuvent qu’améliorer la prestation médicale dans les deux pays.

 Un autre moment fort du voyage : la rencontre très émouvante entre un sommité de l’oncologie pédiatrique en Israël, la Pre Myriam Ben-Arush de l’hôpital Rambam de Haïfa et sa consœur, la Pre Laïla Hsissen, cheffe du service d’oncopédiatrie de l’Hôpital Ibn Sina de Rabat. Elles collaborent étroitement depuis trois ans sur divers projets médicaux et se parlaient jusqu’ici virtuellement toutes les semaines. 

 Sur le terrain, une entraide existe-t-elle entre entités médicales israéliennes et palestiniennes?

  « J’ai été fort agréablement surpris, répond le Dr Jacques Kadoch. Il y a une collaboration extraordinaire et un respect mutuel entre les corps médicaux israélien et palestinien dont on n’a pas idée. J’ai connu des spécialistes palestiniens formés en Israël qui soignent, en arabe ou en hébreu, des patients en Israël et dans les Territoires palestiniens. »

 Fait surprenant : les moyens dont disposent les hôpitaux palestiniens. D’après le Dr Jacques Kadoch, la plupart des centres hospitaliers palestiniens n’ont rien à envier à ceux du Québec. Les équipements dont ils sont dotés sont dernier cri.

   « À l’Hôpital Augusta Victoria, sis à Jérusalem-Est, le plus grand centre d’oncologie qui traite chaque année des milliers de patients palestiniens, l’équipement est très moderne, rien à envier à celui que nous avons à Montréal. En tant qu’obstétricien, j’ai constaté que les couveuses dans les hôpitaux palestiniens sont plus modernes que celles de certains hôpitaux de Montréal. L’Hôpital Augusta Victoria a trois accélérateurs de particules. Un radio-oncologue marocain a constaté aussi de visu la grande qualité des équipements médicaux dans les hôpitaux des territoires palestiniens.  Il nous a dit que les hôpitaux marocains n’en possédaient pas d’aussi modernes. Les hôpitaux palestiniens n’ont rien à envier aux hôpitaux nord-américains ou européens. »

 Le Dr Jacques Kadoch en était à sa 4e édition de Pax Medicalis. Il l’admet d’emblée : il est devenu « accroc » à ces voyages annuels qui, il faut l’indiquer, sont ouverts aussi à des personnes qui n’exercent pas la profession médicale.

  En fait, dès qu’il a été mis au courant de cette initiative, il a été fortement séduit par ce concept où la médecine agit comme une « passerelle de paix ».  

  Même s’il a séjourné plusieurs fois en Israël, les missions de Pax Medicalis lui ouvrent une perspective différente du pays et de la région, souligne-t-il.

  « L’idée de promouvoir la paix, le dialogue, par le truchement de la médecine, je trouve cela génial. »

  Après ces quatre voyages, n’a-t-il pas tout appris de ce qu’il y a essentiellement à savoir de la réalité médicale en Israël et dans les Territoires palestiniens?

  « À chaque mission, j’apprends de nouvelles choses, je fais la rencontre d’homologues intéressants, inspirants, je suis exposé aux réalités changeantes et aux contraintes propres au travail de confrères pratiquant dans cette partie du monde. C’est très stimulant et gratifiant. Chaque fois, je suis fier et heureux de constater que ma profession, la médecine, arrive à tisser des liens constructifs entre les peuples, au-delà des divisions propres à la politique. »

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