Le Devoir, 14 mars 1986
David J. Bercuson, Canada and the Birth of Israël: A Study In Canadian Foreign Policy, Toronto, Toronto University Press, 1989.
La POLITIQUE canadienne au Moyen-Orient, lors de la création de l’État d’Israël, n’a nullement été, contrairement à ce qui est généralement admis, jalonné par de quelconques sympathies sionistes de la part de l’élite dirigeante ou par les pressions du lobby juif. Elle a répondu à des considérations pratiques, en accord avec les intérêts nationaux du Canada, tels que perçus par les leaders de l’époque.
Voilà les conclusions de la minutieuse enquête menée par David J. Bercuson sur le rôle joué par le Canada lors du conflit israélo-arabe (d’avant et d’après 1948).
Outre le vote sur la partition de la Palestine, que Bercuson considère comme étant le seul moment oû la politique canadienne s’est fait valoir de façon indépendante, le Canada s’est remarquablement efforcé de demeurer à l’écart du conflit sévissant entre les Juifs et les Arabes. Paradoxalement, c’est cette volonté quasi-dogmatique de non-engagement qui a forcé le Canada, cédant en cela à la forte pression des Américains, à participer au Comité spécial des Nations Unies sur la Palestine (UNSCOP) et ainsi à se positionner face à la crise moyen-orientale.
Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, dans un monde où prévaut la guerre froide entre les États-Unis et l’URSS, le Canada a bien d’autres préoccupations que les déchirures qui saignent le Moyen-Orient. Les priorités vont à l’appui au plan Marshall et la mise en place d’un système occidental de défense qui aboutira à la création de l’OTAN. L’unité des forces occidentales est primordiale face à l’ennemi soviétique.
Dès lors, la seule préoccupation du Canada au Moyen-Orient sera de tenter de diminuer le fossé séparant Américains et Britanniques sur l’attitude à privilégier à l’égard du conflit et d’empêcher l’URSS de se poser comme un acteur dans la région. Là réside, d’après Bercuson, toute la stratégie canadienne dans ce dossier telle qu’élaborée par les policy-makers du Département des Affaires étrangères, et dans les hauts-échelons du Cabinet.
À cette époque, le Canada n’a aucune relation économique d’envergure avec les États de la région; et la population canadienne est plus ou moins sensibilisée à la question moyen-orientale. Pour cette raison, MacKenzie King, s’appuyant en bonne partie sur les recommandations d’Elzabeth MacCullum du ministère des Affaires extérieures, s’en remet à l’attitude adoptée par la Grande-Bretagne, en dépit du fait que celle-ci s’illustre par son manque de collaboration aux efforts de l’ONU pour solutionner le conflit.
Selon King, la priorité doit aller non pas tant au règlement de la crise palestinienne mais plutôt an rapprochement américano-britannique sur cet épineux sujet. L’effort diplomatique du Canada se concentrera donc sur l’accommodement des positions des deux partenaires, tout en essayant de demeurer le plus possible à l’écart des perturbations affectant cette partie du monde.
Avec son style sec et un ton des plus prosaïque, et malgré un biais pro-israélien, David J. Bercuson vient de livrer un document majeur sur la politique extérieure canadienne.
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