Vivianne Forrester, Le crime occidental, Paris, Fayard, 2004.
Nuit blanche, no. 98, printemps 2005
« Nous perdons notre capacité d’indignation », a déjà dit Viviane Forrester lorsqu’on l’interrogea sur son essai fulgurant publié en 1996, L’horreur économique, qui portait sur les mutations du marché du travail. C’est animé par une même indignation que l’essayiste française récidive, à propos cette fois du conflit israélo-palestinien.
Contrairement à tous ceux qui s’intéressent à cet enjeu combien émotif, et qui penchent trop souvent vers l’un ou l’autre camp, la polémiste jette plutôt son fiel sur… l’Occident : n’est-ce pas l’Occident, en effet, qui, par ses exactions envers les juifs, forcés de quitter leur terreau séculaire, et par la politique inique pratiquée dans la région, a fomenté les conflits qui s’en sont suivis avec les Palestiniens, eux aussi spoliés de leur propre terre ? Ce Proche-Orient victime des excès de la civilisation occidentale, et qui reçoit ses « précieux » conseils alors que cette dernière a pourtant fortement contribué à son naufrage.
« Ce n’est pas […] l’Histoire d’Israël ou de la Palestine qui se déroule aujourd’hui, mais celle prolongée, déportée, décalée, réinsérée en Orient, de l’Occident horrifié par ses propres excès, néanmoins incapable de s’extraire de ses préjugés traditionnels, d’apparence anodine mais qui, même peu spectaculaires, instaurent l’ordre qui conduit à l’horreur. »
Et l’auteure de s’acharner, dans un propos livré d’un trait, sans chapitre ni intertitre, sur le comportement des populations occidentales lors de la Deuxième Guerre mondiale, gravement coupables de léthargie devant la propagande et les exactions hitlériennes, à tout le moins d’« assentiment par omission ». Une attitude aux graves conséquences sur le destin de deux peuples meurtris, l’israélien et le palestinien, chacun dorénavant prisonnier d’une logique de guerre et de ripostes destructrices dont on n’envisage plus la fin. En retrouvant leur « histoire exacte » (lire : le rôle essentiellement néfaste d’une civilisation occidentale extérieure), les peuples du Proche-Orient seraient davantage enclins, conclut l’auteure, à se voir une destinée commune, susceptible de les associer dans un cheminement où la branche d’olivier aurait plus de pesanteur que le fusil.
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