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Otage de Beyrouth à Bagdad. Journal d’un correspondent de guerre

Roger Auque, Otage de Beyrouth à Bagdad. Journal d’un correspondent de guerre, Anne Carrière, Paris, 2005, 208 p.

Nuit blanche, décembre 2005

Les enlèvements de journalistes français en Irak ces derniers mois ont ravivé la mémoire de Roger Auque, correspondant pigiste pour nombre de médias européens et québécois (dont Radio-Canada) dans le monde arabe, notamment dans ses nombreuses zones de conflit, comme au Liban durant les années 1980 et, depuis 2003, à Bagdad à la suite de l’invasion américaine.

C’est que Roger Auque a lui-même fait l’objet d’un spectaculaire enlèvement qui a duré un an, en 1987 à Beyrouth, au plus fort de la guerre civile qui a ravagé le pays, expérience qu’il a d’ailleurs relatée dans un passionnant ouvrage paru l’année suivante. Le correspondant de guerre avait alors subi un véritable calvaire : enlevé seul, donc personne avec qui partager sa détresse, il avait au surplus vécu ces longs mois dans des conditions misérables.

Ce n’est pas seulement la foi chrétienne avouée de Roger Auque, trouvée durant ces moments sombres, qui le distingue des autres journalistes français ; il fait peu de «sociologie » autour des motivations qui guident les preneurs d’otages et autres terroristes brandissant l’islam pour combattre la présence occidentale. Sa lecture des événements pourrait plutôt donner de la crédibilité à ceux, nombreux aux États-Unis, qui jugent que, notamment depuis le 11 septembre, nous assistons rien de moins qu’à une lutte de civilisation entre l’islam et l’Occident. « Mon expérience journalistique me démontre chaque jour que nous sommes considérés comme des mécréants et des infidèles par les musulmans. »

Roger Auque jette ainsi un regard sympathique sur l’intervention américaine et se scandalise de l’attention portée sur les méfaits de quelques soldats au mépris des exactions commises par l’ancien régime de Saddam Hussein. « Il est évidemment plus simple et politiquement correct de pointer les actes de quelques GIs imbéciles que de se poser les vraies questions sur les moeurs et coutumes de l’Irak, qui semble avoir tant de mal à se conformer à la tolérance et à la modernité. »

Sur un plan plus personnel, l’auteur révèle le malaise qu’il éprouve envers la vie qu’il mène depuis 20 ans, à se balader entre obus et mortiers pour transmettre de l’information. Mais l’aventurier en lui semble encore prendre le dessus, lui qui se voit « vivre l’essentiel » à travers le grand reportage.