Anna Politkovskaïa, La Russie selon Poutine, Gallimard, Paris, 2006, 374 p.
Nuit blanche, été 2007
Depuis quelques années, de plus en plus d’intellectuels russes décrient le glissement autoritaire du régime de l’actuel président Poutine. La journaliste russe Anna Politkovskaïa, réputée pour la qualité de ses enquêtes (qui lui ont valu des prix), ajoute sa voix à ces échos inquiétants.
Avec un acharnement qui suscite l’admiration, elle revient en profondeur sur des dossiers compromettants impliquant des citoyens russes et l’armée, la justice, le pouvoir. Ce qui en ressort est le portrait d’un système de gouvernance qui « n’a d’autre fonction que de mettre en oeuvre sans état d’âme les desseins politiques de ceux qui sont au pouvoir ».
Malgré sa puissance relative due à une armée encore redoutable et les richesses énormes qu’elle tire de l’exploitation massive de ses hydrocarbures, la Russie reste, selon l’auteure, un pays bien loin des critères occidentaux en matière de politique. Tout se joue dans les coulisses, sans transparence ; le copinage, et non la compétence, reste la norme pour accéder aux hautes sphères de l’État. La justice n’a d’indépendance que le nom, le pouvoir concentré dans les mains du président frise la tyrannie. Bref, on a affaire à un « néo-soviétisme », où règne une nouvelle classe de dirigeants cyniques qui se croient intouchables et qui n’ont de comptes à ne rendre à personne, surtout pas au peuple méprisé et spolié dans ses droits.
L’Occident, face à cela, ne réagit guère, déplore l’écrivain, trop satisfait d’un régime qui fait totalement sien le discours antiterroriste, et qui pourvoit à ses besoins de vodka, de caviar mais surtout de gaz et de pétrole.