Antoine Sfeir et Nicole Bacharan, Américains Arabes. L’affrontement, Seuil, Paris, 2006
Nuit blanche, avril 2007
Voilà deux spécialistes français, l’une des États-Unis (remarquable Nicole Bacharan, très à propos dans tous ses commentaires), l’autre du monde arabe (Antoine Sfeir, dont la réputation n’est plus à faire), souvent réunis sur les plateaux de télévision ou à la radio pour débattre du post-11 septembre. Un peu frustrés des limites imposées par de tels exercices médiatiques, ils ont décidé d’approfondir leurs arguments en empruntant la voie plus appropriée qu’est l’écrit. La forme des débats audiovisuels a été conservée, l’échange est direct : un auteur questionne l’autre, qui reprend l’idée, la proposition. La formule, originale, est heureuse et permet de garder l’intérêt du lecteur du début à la fin sur des sujets chauds de l’actualité internationale.
Les propos des chercheurs sont répartis en deux sections : la première touche les différences entre Américains et Arabes, en termes d’identités, de valeurs, de cultures, de religions. La seconde prolonge la première en démontrant que ces différences expliquent en bonne partie « l’affrontement » entre les protagonistes. Ainsi, les auteurs passent-ils en revue toutes les critiques, les fausses perceptions, les malentendus qui minent une relation qui tourne surtout autour du pétrole et d’Israël.
Ce qui fait le grand intérêt de cet ouvrage est que les deux spécialistes ne se cantonnent pas dans un panégyrique de leur culture. Tous les deux sont lucides sur les torts et les travers des cultures américaine et arabe, mais n’en expliquent pas moins brillamment le point de vue légitime des deux parties en cause. Un bon exemple des différences rapportées est la propension de la culture arabe à ne jamais prendre un « non » comme définitif, à palabrer sans fin. Alors que la culture américaine, fait remarquer Nicole Bacharan, est axée sur l’efficacité, la résolution de problèmes, la mise en place d’une solution sur laquelle on ne revient pas sans ébranler la confiance.
Ainsi, les auteurs apportent une contribution majeure sur le thème des relations américano-arabes. Plus ils nous permettent de mieux saisir l’âme et l’état d’esprit des cultures américaine et arabe, l’une face à l’autre, mais aussi de manière générale. Chacun des partis, leaders ou toute personne avide de mieux s’approprier le sujet, aurait grand intérêt à lire l’ouvrage de ces deux passionnés.