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Avons-nous assez divagué. Lettre à mes amis musulmans

Victor Malka, Avons-nous assez divagué. Lettre à mes amis musulmans, Albin Michel, Paris, 2006

Nuit blanche, no. 105, hiver 2006-07

Le XXe siècle aura été, on le sait, cruel envers les Juifs. Parmi les nombreux drames que cette communauté a vécus, il y a le départ, souvent forcé, des Juifs de pays où ils vivaient depuis des centaines d’années.

C’est le cas dans le monde arabe, qui comptait au début du XXe siècle de fortes minorités juives, que ce soit en Égypte, en Syrie ou partout au Maghreb. Doréna­vant, dans tous les pays arabo­phones, la communauté juive est devenue très peu importante, à cause d’une émigration massive, notamment vers Israël, mais aussi vers la France et le Québec.

Juif français, Victor Malka est le produit de cette émigration. Élevé au Maroc, où sa famille avait racines depuis des siècles, il se rappelle la relative harmo­nie entre Juifs et Arabes dans cet État du nord de l’Afrique.

Une cohabitation qu’il ne retrouve plus dans son nouveau pays, où il entend maintenant ses amis musulmans vilipender une culture juive avec laquelle ils avaient tissé autrefois des liens d’amitié. Une situation qui l’attriste étant donné la parenté des deux religions, qui se sont  côtoyées si souvent au cours de l’Histoire.

« […] les relations judéo-chrétiennes se sont figées dans une méconnaissance mutuelle accompagnée d’une sorte de répulsion. Les uns et les autres se sont superbement ignorés, chacun étant sûr de son bon droit et de la mauvaise foi de l’autre. Aujourd’hui, la contro­verse d’ordre religieux se double d’une problématique politique. »

Il faut saluer cet appel coura­geux à la raison et à la générosité, fondé sur un passé commun et une situation similaire de mino­rités dans les pays occidentaux. Mais, en même temps, il reste difficile de faire abstraction du contexte houleux qui pollue les relations judéo-arabes depuis un demi-siècle et qui a trait à Israël.

Quoi qu’en dise l’auteur, cette « lettre aux amis musul­mans » respire tout de même une certaine rancœur  juive envers la communauté arabophone et musulmane. Un exemple est le rappel que fait l’auteur du statut de minorité (dhimmis) des juifs en terre d’islam et le supposé bon traitement dont ils auraient toujours jouit au Maroc, un mythe dont se targuent encore les Marocains.

Le penseur juif se fait fort de rappeler les injustices commises envers sa communauté dans ce pays, ainsi que l’absence totale de curiosité des Musulmans envers toute autre religion que la leur. Son appel a donc toutes les chances de rater son objectif de rapprocher véritablement les deux cultures. Mais il n’y a pas de mal à essayer…