Adolescentes voilées. Du corps souillé au corps sacré

Meryem Sellami, Adolescentes voilées. Du corps souillé au corps sacré, Presses de l’Université Laval, 2013, 214 p.

Nuit blanche, no.135, été 2014

Voilà un livre important dans le contexte politique québécois et canadien. Avec la Charte des valeurs québécoises, la question du voile islamique a fait une entrée spectaculaire dans les débats politiques au Québec. Beaucoup s’est dit sur le voile mais, les détracteurs de la Charte l’ont souligné, peu d’études sont venues éclairées le débat. Et voilà une étude, sérieuse : une thèse de doctorat à l’université de Strasbourg basée sur une enquête auprès de jeunes adolescentes en Tunisie.

Tout au long de l’ouvrage, l’auteure est très claire sur sa description et son explication du port accru du voile par des adolescentes dans ce pays. Selon elle, le voile est un signe patent du maintien du patriarcat dans les sociétés arabes, et aussi de la continuité du culte ancestral de la virginité. Avec le voile, les jeunes femmes démontrent qu’elles ont « intériorisé » la vision manichéenne que les hommes posent sur elles : soit les femmes affichent des mœurs faciles (lire : occidentalisées) ou soit des mœurs traditionnelles, pures, bref « musulmanes ».

Comme encore dans le monde arabe, pour être « mariable », une fille doit être « pure », donc vierge, comment mieux afficher cette « mariabilité », cette pureté, sa bonne réputation que le voile ? « Transgresser la norme virginale constitue une déviance qui expose l’adolescente à un risque identitaire majeur, celui d’être une stigmatisée impure (…) Les jeunes filles sont amenées à esquiver ce risque au quotidien, notamment à travers le voilement, qui renvoie à une pureté socialement affichée ».

Mme Sellami situe cette montée du voile après les événements du 11 Septembre (2001) et la guerre qui s’en est suivie en Irak, et la volonté de « restitution de la dignité islamique » face à l’hégémonie culturelle de l’Occident. Avec la multiplication des chaines satellitaires arabes sont apparus des prédicateurs intégristes pour qui une bonne musulmane, digne, celle qui se respecte, se pare nécessairement du voile. Ils jouent un grand rôle dans l’usage grandissant de cet accoutrement si contesté.

Un livre pertinent, qui dévoile (sans jeu de mots) une plus grandes différences entre les sociétés arabe et occidentale actuelles : la pudeur.

 

 

 

 

Les commentaires sont clôturés.