Omar Youssef Souleimane, LE DERNIER SYRIEN, Flammarion, Paris, 2020, 258 pages
Nuit blanche, no,.158, printemps 2020
Voici un roman qui dépeint, à travers de courts chapitres de deux ou trois pages, la vie de jeunes Syriens organisateurs de manifestations contre le régime de Bachar al-Assad, y participant en 2011 et dans les années suivantes. On le sait, la Syrie a suivi le mouvement du Printemps arabe, lancé par la Tunisie.
Mais dans ce pays multimillénaire, les choses ont bien mal tourné. L’auteur, un jeune poète maintenant immigré en France, décrit ce que pouvait être cet espoir d’enfin se débarrasser d’une dictature étouffante, mais aussi les grands obstacles, quasi incontournables, à surmonter, dont le fait qu’en cette région du monde, la liberté est un bienfait méconnu.
Par petites touches donc, on voit un groupe de militants laïcs animés par des espoirs démocratiques affronter cette situation quasi impossible, qui ne laisse pas de marge de manœuvre. En fait, leur rêve est presque irréalisable, car le pays est une mosaïque multiethnique qu’on peut, avec la violence, facilement diviser.
Le régime actuel s’appuie sur ce sectarisme : il est surtout composé de membres de la confession minoritaire alaouite, une branche du chiisme, qui voit toute remise en cause de son pouvoir absolu comme une menace mortelle. Et qui alimente sciemment une vision tordue de la politique régionale. En effet, rien de plus facile que de présenter les manifestants démocratiques comme les suppôts des islamistes, ce qui est bien loin de la vérité.
Avec la violence et la torture dont use l’État alaouite pour juguler les soulèvements, les vrais démocrates, les jeunes de ce roman, sont les grands perdants : ils sont coincés entre deux calamités, tout aussi nocives et sanguinaires, soit le régime laïc, mais dictatorial, et les islamistes, absorbés par une religiosité médiévale. Ce qui fait dire avec justesse à un personnage : « Quand la mort est partout, l’injustice se généralise ».
Surprise dans ce roman d’un auteur arabe moderne : quelques scènes de sexe, et homosexuelles. Singulier, dans cette zone culturelle où la pudeur est une valeur sacrée.
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