Au 70e jour du conflit en Ukraine, l’Union européenne a annoncé vouloir mettre en place un embargo sur les importations de pétrole russe d’ici la fin de l’année, mais les 27 pays peuvent-ils vraiment s’en passer si vite ? Déjà, une ligne de faille apparaît entre l’Ouest et l’Est.
Fermer les robinets « d’ici la fin de l’année »
« Nous renoncerons progressivement aux livraisons russes de pétrole brut dans les six mois et à celles de produits raffinés d’ici à la fin de l’année », a déclaré à Strasbourg la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Mais cet objectif ambitieux pourrait engendrer des coûts importants pour les pays européens, préviennent des experts. Le marché mondial du pétrole, vers lequel l’Europe devra se tourner si elle souhaite s’affranchir de la Russie, est « très difficile » à prédire, rappelle Yvan Cliche, fellow au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal. « Il s’agit d’une tâche titanesque qui n’a jamais été réalisée. Mais des exemples concrets existent, comme en Lituanie, […] et la Pologne se dit sûre de pouvoir appliquer l’embargo. Son succès reste toutefois incertain », affirme-t-il.
Une proposition qui divise
Déjà, la Commission prévoit une exemption pour la Hongrie et la Slovaquie, deux pays enclavés et totalement dépendants des livraisons par l’oléoduc « Droujba », qui pourront continuer leurs achats à la Russie en 2023. Mais cette dérogation pose problème, car la Bulgarie et la République tchèque voudraient également en bénéficier. De plus, la Hongrie a tout de suite affiché son opposition à la proposition de l’Union européenne. « En toute responsabilité, nous ne pouvons pas voter pour », a annoncé le ministre des Affaires étrangères de la Hongrie, Péter Szijjártó. « Nous avons été clairs à ce propos, nos compagnies pétrolières ont été claires à ce propos, la plus courte période [pour implanter un tel embargo] serait de trois à cinq ans », a indiqué le porte-parole du premier ministre hongrois à CNN.
Ces nouvelles sanctions pourraient toutefois porter un coup fatal à la Russie, et leurs conséquences pourraient se faire ressentir « pendant plusieurs générations », estime Yvan Cliche. Les ventes d’hydrocarbures sont en effet essentielles au régime russe pour continuer à soutenir son offensive en Ukraine. Sans ces revenus, le pays pourrait avoir de la difficulté à payer ses militaires, ses fonctionnaires et leurs retraites, fait valoir pour sa part le professeur à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal Florian Mayneris. Même en se tournant vers la Chine pour exporter son pétrole ou son gaz, la Russie ne s’en sort pas pour autant, car elle devra alors négocier au rabais ses exportations d’énergies fossiles, ajoute Yvan Cliche.
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