Les retraités actifs, un réservoir d’énergie

3 juin 2023

Journal L’Action (APRHQ)

À Hydro-Québec où il a fait carrière pendant presque 25 ans, entre 1997 et 2021, dans les domaines de la tarification, de la planification stratégique, en services à la clientèle d’affaires et en électrification des transports, Nacer Boudjerida avait la réputation d’un homme courtois, posé et réfléchi.

Quelques années après son arrivée au Québec, Nacer avait déjà fréquenté l’université québécoise et décroché un MBA en finances (HEC Montréal) en 1997.

Mais une fois ses enfants devenus adultes, on apprenait de lui qu’il suivait régulièrement des cours universitaires en soirée, après ses heures de travail à Hydro, en anthropologie, en histoire, en philosophie, uniquement pour satisfaire sa curiosité, étancher sa soif de connaissances.

C’est donc sans trop de surprise qu’on découvre que Nacer, à peine une semaine après avoir pris sa retraite, entreprend ce projet de longue haleine qui le définit bien: un doctorat en informatique cognitive à l’UQAM.

« J’avais l’intention de continuer à suivre des cours dans différents domaines, mais une discussion avec un professeur m’a convaincu qu’il valait mieux utiliser mon temps pour m’engager dans un projet structuré, cohérent, avec un début et un aboutissement », dit-il.

Nacer vient ainsi de terminer ses deux années de cours obligatoires de troisième cycle, occupées à fouiner dans la bibliothèque de l’UQAM et autres plateformes de connaissances pour mener à bien les travaux de session d’une dizaine de cours. Souvent en équipe avec des jeunes qui sont deux, trois fois moins âgés… mais dont il apprécie grandement la compagnie au quotidien.

Après son examen de synthèse qu’il passe cet été, ce père d’un fils médecin et d’une fille psychologue, grand-père de deux petits-enfants, présentera devant un jury son projet de recherche. Il sera ensuite mobilisé pendant environ deux ans sur l’étude d’un thème combinant deux des grands enjeux de notre temps: comment combattre le dogmatisme avec l’intelligence artificielle et le raisonnement logique.

Comment Nacer en est-il arrivé à s’intéresser à un sujet aussi pointu?

Pour mieux comprendre la genèse de son idée, il faut se replonger au début des années 1990, en Algérie. Nacer est promis à cette époque à un bel avenir. Ingénieur mécanique, cadre de la compagnie nationale de chemin de fer, il file la douce vie avec sa femme Leïla Chami qui aura comme lui par la suite, une belle carrière à Hydro en tant qu’économiste.

Mais l’hydre du terrorisme islamiste apparaît dans ce pays au début de la décennie 1990, faisant fuir nombre de ses compatriotes. Nacer et Leïla, avec un enfant de 6 ans, ne se sentent plus en sécurité et choisissent le Québec comme terre d’accueil.

Nacer reste marqué par cette époque. Avec des souvenirs qui ne l’ont jamais quitté. Car ce radicalisme de la pensée, il en a vu concrètement les effets.

Subitement, à Alger, beaucoup de cadres du secteur public commencent à être pointés du doigt. Certains, comme lui, voient même une menace sérieuse peser sur leur vie, tout simplement parce qu’ils ne partagent pas la vision extrémiste et la dénoncent.

Quant à se lancer dans un projet intellectuel d’aussi longue haleine, pourquoi ne pas le consacrer à rechercher des moyens efficaces pouvant contribuer à endiguer ce phénomène? Sa thèse portera donc sur la façon de neutraliser la montée de ces conceptions étroites de la vie qui ont fait tant de dégâts à travers l’Histoire.

Plus précisément, il compte étudier comment l’intelligence artificielle et la puissance du raisonnement logique pourraient contribuer à démonter le dogmatisme et ainsi prévenir que des jeunes y succombent et gâchent leur vie.

Comment cela se passe-t-il d’entreprendre des études universitaires qui en général se réalisent lors de la jeunesse, au début de la vingtaine?

Nacer admet que certains cours se sont révélés plus difficiles que d’autres, notamment en informatique (génie logiciel, programmation) où il a dû mettre les bouchées doubles. Mais il a su trouver aussi de l’aide auprès d’autres étudiants qu’il pouvait en contrepartie aider en sciences cognitives.

Et puis il raconte que ce projet de doctorat se fait par pur plaisir, sans stress, sans la recherche subséquente d’une carrière, d’un emploi. Mais que cela constitue néanmoins une occupation à temps plein! Il est souvent présent des journées entières au pavillon des sciences de l’UQAM et sa présence dans l’édifice dépasse souvent et largement les sept heures par jour…

Présentement, dans son compte LinkedIn, Nacer s’affiche tout simplement comme un «étudiant en sciences ». D’ici deux ou trois ans, probablement en 2025, il pourra se présenter en tant que « docteur en sciences ». Nul doute que lui et ses proches, dont plusieurs ex-collègues hydro-québécois, seront très fiers d’une si belle réussite.

Quand on lui demande de comparer son expérience de retraite avec celle de retraités qu’il côtoie, Nacer répond: « Parmi nos retraités d’Hydro, il y a ceux qui se lancent dans le bénévolat; d’autres qui se rattrapent sur leurs loisirs préférés et leurs passions tant de fois repoussés (voyages, sport, travaux divers, etc.). Il y a aussi ceux qui retournent dans le monde du travail. Puis, il y a ceux qui reviennent à l’université pour enrichir leurs réflexions qui peuvent éventuellement contribuer à enrichir notre société. Chose certaine, ce que je constate, c’est que nos retraités gardent toujours de la bonne énergie ! »

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