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Les Européens ont-ils réussi à se défaire de leur dépendance énergétique?

Radio-Canada, 23 février 202

Avant le déclenchement de la guerre, le quart du pétrole consommé en Europe provenait de la Russie. Près d’un an plus tard, ils n’ont réussi qu’en partie à diversifier leurs sources d’approvisionnement.

La Russie demeure leur principal fournisseur, suivie par les États-Unis et l’Arabie saoudite.

L’administration Biden avait pourtant entrepris ce printemps une offensive tous azimuts afin de trouver de nouveaux approvisionnements en pétrole pour les Européens et de faire baisser le prix du carburant, qui avait monté en flèche après l’invasion.

Les résultats ne sont toutefois pas très concluants.

L’UE a payé 84 milliards d’euros (120 milliards de dollars canadiens) à la Russie pour son pétrole depuis l’invasion de l’Ukraine, selon les données compilées par le Centre de recherche sur l’énergie et l’air pur (CREA).

Cet été, le président Joe Biden s’est ainsi rendu à Djeddah pour rencontrer le prince héritier Mohammed ben Salmane et essayer de convaincre l’OPEP d’augmenter sa production, mettant ainsi de côté sa promesse de campagne de faire du royaume un paria à la suite du meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.

L’image d’un salut poing contre poing échangé entre le président Joe Biden et le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, a fait couler beaucoup d’encre.

Les États-Unis souhaitaient faire pression sur l’Arabie saoudite pour qu’elle augmente sa production de pétrole, explique Olivier Appert, conseiller du Centre Énergie & Climat de l’Institut français des relations internationales (IFRI). Cela permettrait de faire baisser les prix, et donc ça aurait un impact indirect sur l’économie russe. Mais il y a eu une fin de non-recevoir polie de la part des Saoudiens

Pour couronner le tout, le 5 octobre, l’OPEP+ (formée de 24 pays, dont la Russie, qui représentent 90 % de la production mondiale de pétrole) a décidé de réduire la production de pétrole de 2 millions de barils par jour, au risque de faire flamber le prix du baril.

L’Iran

Avec les quatrièmes réserves mondiales, l’Iran est un autre joueur majeur dans le domaine énergétique. Mais les sanctions qui pèsent sur le pays à cause de son programme nucléaire entravent le commerce du pétrole.

L’Iran pourrait être potentiellement le quatrième ou cinquième pays producteur le plus important au monde, note Olivier Appert.

Il y a bien eu une tentative de relancer l’accord de 2015 sur le nucléaire, ce qui aurait pu permettre la levée des sanctions et l’ajout sur le marché de 1,3 à 1,5 million de barils par jour. Mais cet essai s’est soldé par un échec.

L’Iran s’est plutôt rapproché de la Russie, à qui il a vendu des drones, amplement utilisés dans le cadre de la guerre en Ukraine

On constate un rapprochement entre la Russie et l’Iran, ainsi qu’un éloignement de la possibilité d’un accord sur le nucléaire et donc la levée de l’embargo, souligne M. Appert. Dans le contexte actuel de répression envers les opposants, les pays occidentaux ont une certaine réticence à négocier avec un gouvernement des mollahs assez largement discrédité, ajoute-t-il.

Le Venezuela

Mis au ban de la communauté internationale depuis plusieurs années en réponse à la dérive autoritaire du président Nicolas Maduro, que les États-Unis considèrent comme illégitime, le Venezuela est un autre pays dans la mire des Américains en raison de ses richesses pétrolières.

Cela a été assez immédiat à partir du moment où la Russie a envahi l’Ukraine, raconte Thomas Posado, docteur en sciences politiques de l’Université Paris 8 et spécialiste du Venezuela. En 10 jours, des émissaires américains étaient à Caracas pour négocier.

Depuis sept ans, le pays est sous le coup de sanctions internationales qui ont complément entravé ses exportations de pétrole. Alors qu’en 2015 le Venezuela produisait environ 2,65 millions de barils par jour, ce nombre a chuté à 700 000 en 2021.

Selon certains analystes, dans un an ou deux, le Venezuela pourrait produire environ 1 million de barils par jour et jusqu’à 3 millions de barils d’ici une décennie. Mais cela nécessiterait des investissements majeurs. En effet, les installations sont délabrées et le personnel qualifié manque à l’appel.

Dans l’hypothèse où les sanctions seraient levées totalement, l’état des infrastructures ne permettrait pas de revenir au niveau de production d’il y a quelques années, estime Thomas Posado.

« On ne peut pas imaginer que ça revienne à 2,3 millions de barils en quelques mois, ni même en quelques années. Ce serait un travail de très longue haleine, vu le mauvais état des infrastructures pétrolières. »

— Une citation de  Thomas Posado, spécialiste du Venezuela

Des changements concrets se sont déjà matérialisés. Après un accord entre le président Maduro et l’opposition, Washington a décidé d’alléger l’embargo pétrolier et permis au géant des hydrocarbures Chevron de relancer en partie sa coentreprise avec la société d’État Petroleos de Venezuela (PdVSA).

Le département du Trésor américain a également annoncé qu’il accorderait à Trinité-et-Tobago une licence pour développer un important gisement de gaz situé dans les eaux territoriales vénézuéliennes.

Les infrastructures pétrolières sont dans un état lamentable.

Les analystes ne sont toutefois pas très optimistes.

Pour l’instant, les avancées sont relativement réduites, souligne Thomas Posado. En plus de Chevron, les pétrolières Repsol (espagnole) et EMI (italienne) ont pu faire affaire avec le Venezuela, mais seulement en remboursement des dettes qui étaient déjà contractées.

Pour procéder à l’annulation totale des sanctions, l’administration américaine réclame que l’élection présidentielle qui doit se tenir l’année prochaine soit complètement libre. Or, le président Maduro exige, pour sa part, la levée des sanctions avant d’entreprendre un dialogue avec l’opposition en vue des élections.

Un bras de fer se dessine, qui risque d’être compliqué par les divisions entre les Américains eux-mêmes. Depuis que les républicains ont repris le contrôle du Congrès, le président Biden n’est pas assuré d’avoir l’appui nécessaire pour avancer ses priorités.

« Entre les raisons qu’a Nicolas Maduro de faire capoter ces négociations, les raisons que peut avoir l’opposition vénézuélienne de faire capoter les négociations et les raisons qu’ont les États-Unis de faire capoter ces négociations, c’est très, très, très loin d’être un processus qui est certain d’aboutir. »

— Une citation de  Thomas Posado, spécialiste du Venezuela

L’embargo européen

Les Européens ont décidé, dès le mois de mai, de couper leur dépendance énergétique envers la Russie. Ils ont fixé des embargos sur le brut russe et sur les produits raffinés, qui sont entrés en vigueur le 5 décembre et le 5 février.

Avec ces embargos, l’UE se prive d’environ 90 % des volumes de pétrole russe qu’elle importait de Russie avant l’invasion de l’Ukraine.

L’UE s’est également entendue avec le G7 et l’Australie pour plafonner le prix du pétrole russe à 60 $ le baril. Au-delà de ce prix, les entreprises basées dans ces pays ne pourront plus fournir leurs services à la Russie (négoce, fret, assurance, armateurs, etc.) sous peine de sanctions.

L’idée est d’assécher le trésor de guerre de la Russie, qui reçoit 400 millions de dollars par jour, en moyenne, grâce aux exportations d’hydrocarbures.

Le président russe, Vladimir Poutine, lors d’un sommet économique au Kirghizstan, le 9 décembre 2022.

En riposte, le président Vladimir Poutine a publié un décret interdisant l’exportation de tout produit pétrolier vers des pays qui adopteraient ce plafonnement.

L’objectif des sanctions, ce n’est pas de bloquer le pétrole russe, rappelle Yvan Cliche, fellow et spécialiste en énergie au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM). On veut simplement s’assurer qu’il soit vendu à un prix moindre pour ne pas garnir le coffre de guerre de la Russie.

Le prix du baril de pétrole russe est en chute libre depuis le début de l’année. Il est passé de 94,99 $ US le baril le 24 février 2022 à 59,5 $ US le 10 février 2023, et se négociait en janvier 48 % en dessous de la référence internationale, le pétrole brut Brent.

La récente décision de la Russie de réduire sa production de pétrole de 500 000 barils par jour a causé une remontée des prix.

De nouveaux acheteurs

D’autres pays comptent bien profiter de ce pétrole dont les Européens ne veulent plus. On a constaté au cours de l’année une augmentation marquée des exportations de pétrole russe vers la Chine, l’Inde et la Turquie.

Le pétrole russe circule encore, et il est en bas du prix plafond, note M. Cliche. C’est une position très intéressante pour l’Inde et la Chine, qui ont effectivement bougé et acheté beaucoup plus de pétrole russe que par le passé.

La Turquie apparaît comme une destination croissante pour le pétrole brut russe, en même temps que ses exportations de produits pétroliers raffinés vers l’UE et les États-Unis sont en nette progression, constate le Centre de recherche sur l’énergie et l’air pur (CREA), une organisation indépendante basée en Finlande.

Les arrivages de produits pétroliers turcs dans les ports européens et américains ont augmenté de 85 % en septembre-octobre par rapport à juillet-août, note CREA.

Le Rapport mensuel sur le marché pétrolier de l’OPEP de décembre 2022 révèle également que les importations de brut russe vers l’UE ont diminué de près de 1 million de b/j en novembre, tandis que les flux vers la Turquie ont fortement augmenté, pour atteindre 400 000 b/j.

Les principaux destinataires des exportations de produits pétroliers turcs étaient l’Espagne, la France, les États-Unis, la Roumanie et les Pays-Bas.

Les États-Unis, l’Espagne et l’Italie ont également importé des produits pétroliers de l’Inde, un autre pays qui a fortement augmenté ses importations de brut russe. Les importations de pétrole russe vers l’Inde ont été multipliées par 10 sur un an, constate Olivier Appert. Et une partie de ce pétrole éventuellement revient en Europe sous forme de produits pétroliers raffinés.

Ces nouveaux acheteurs respecteront-ils le plafond fixé par les Européens?

Olivier Appert n’en est vraiment pas convaincu. La Chine et l’Inde ont dit très clairement que les embargos décidés par les Occidentaux ne les concernaient pas, souligne-t-il.

Réussira-t-on à les rallier? Ce sera un autre défi pour les Européens.

En Europe, l’hiver de tous les dangers

L’Actualité, 23 novembre 2022

Une saison rigoureuse s’annonce pour la solidarité européenne face à Moscou dans la guerre en Ukraine. L’absence de gaz russe dans les mois à venir pourrait forcer certains gouvernements à laisser tomber Kyiv pour éviter à leurs citoyens de mourir de froid.

Yvan Cliche
23 novembre 2022
L’auteur est chercheur en énergie au Centre d’études et de recherches internationales
de l’Université de Montréal (CÉRIUM) et auteur de Jusqu’à plus soif. Pétrole-gaz-
éolien-solaire : enjeux et conflits énergétiques, Fides, 2022.

Il y a gros à parier que Vladimir Poutine jettera chaque jour un œil à la température qui sévira cet hiver en Europe. Le président russe espère qu’un hiver polaire et des prix élevés de l’énergie amèneront les populations frigorifiées dans leurs résidences à exiger de leurs dirigeants le rétablissement du flux gazier avec Moscou.

Avec 80 % moins de gaz provenant de la Russie par rapport à 2021, l’Europe devra composer dans les prochains mois avec moins de carburant pour se chauffer, produire de l’électricité et faire tourner ses industries.

À l’inverse, les chefs d’État et de gouvernement européens prient pour que la saison hivernale soit douce, pour que personne ne meure de froid, comme cela est déjà arrivé quand Moscou avait coupé le gaz à l’Europe pendant deux semaines, en 2009, en raison du conflit gazier entre la société russe Gazprom et son équivalente ukrainienne Naftogaz. L’arrêt des transits avait interrompu le flux de gaz russe vers l’Europe de l’Ouest et les Balkans de façon importante.

Pour éviter la catastrophe, les Européens ont déployé des efforts considérables pour acheter la moindre molécule de gaz sur le marché international depuis l’invasion russe de l’Ukraine, en février. Mais il leur
faudra aussi beaucoup de chance.

Le combat actuel mené par les Européens contre Moscou passe essentiellement par la réduction de leur dépendance énergétique. En 2021, Gazprom, la compagnie russe de distribution de gaz, fournissait plus de
40 % des importations de gaz en Europe.

Après l’invasion de l’Ukraine en février dernier, les dirigeants européens ont cherché à faire mal au trésor de guerre de la Russie, la vente d’hydrocarbures (charbon, pétrole, gaz), en diminuant leurs achats
provenant de ce pays.

Mais pour le gaz, c’est plus compliqué. Il occupe une place centrale dans la consommation énergétique de l’Europe. Il sert à la fois au chauffage, à la production d’électricité et comme intrant aux processus industriels, notamment dans l’industrie chimique.

Après l’invasion russe, les pays d’Europe se sont fixé comme cible de réduire des deux tiers dès cette année leurs importations de gaz russe, et d’y mettre fin avant 2030. C’est l’objectif principal du programme REPowerEU de la Commission européenne, pondu en urgence en mai. Un défi rendu plus difficile par le fait qu’on n’a pas pu remplacer le gaz par d’autres formes d’énergie : la production nucléaire a été plombée en France par des problèmes de corrosion, et celle d’hydroélectricité a été sous la moyenne en raison de la sécheresse. Bref, pour l’Europe énergétique, 2022 aura été une « tempête parfaite »…

Aux sources du nœud énergétique
Si le destin énergétique de l’Europe est si lié à la Russie, c’est un peu à cause de la guerre froide. Avant la chute du mur de Berlin et du rideau de fer à la fin des années 80, les dirigeants de l’Allemagne de l’Ouest militaient pour une politique de rapprochement : il s’agissait de mettre en place des intérêts mutuels, de sorte que les deux camps — l’Occident et l’Union soviétique — ne puissent raisonnablement entrer en conflit. Le commerce du gaz est devenu le liant de cette relation de détente.

Ces projets de consolidation des liens énergétiques entre Moscou et l’Europe n’ont pas du tout eu l’heur de plaire à Washington. Les États-Unis considéraient que cette dépendance ne pouvait que favoriser les Soviétiques, en leur donnant un levier potentiel pour faire chanter

l’Europe. Et, grâce aux importants revenus tirés de la vente de gaz, pour renforcer leur armée.
L’Europe n’a pas apprécié ces récriminations américaines et a rappelé que Moscou s’avérait depuis le début un partenaire fiable. L’effondrement de l’Union soviétique en 1991 l’a confortée dans sa conviction que cette dépendance était finalement bénéfique, favorable à la paix, et qu’elle résistait aux sursauts de la politique mondiale.

Malgré cela, les Américains sont restés au front pour s’opposer à la construction d’un nouveau gazoduc jumeau de celui déjà opérationnel depuis 2011, nommé Nord Stream, qui achemine directement le gaz de la Russie vers l’Allemagne.

Cette fois, les Américains étaient appuyés dans leur opposition par d’ex- pays d’Europe de l’Est autrefois sous le joug de Moscou, la Pologne notamment, qui critiquaient la naïveté de l’Allemagne face à Moscou. D’autres pays ont aussi participé à cette opposition, dont la Lituanie. Des coupures momentanées de gaz vers l’Europe de la part de la Russie en 2006 et 2009, puis l’invasion de la Crimée en 2014, l’ont convaincue de se débarrasser de toute dépendance à la Russie. Depuis avril 2022, ce pays n’importe plus une seule molécule de gaz de Moscou…

L’invasion de l’Ukraine par la Russie est survenue tout juste avant l’inauguration de ce nouveau gazoduc, appelé Nord Stream 2. Il n’a jamais reçu l’autorisation requise de Berlin pour être opérationnel. Ce sont 11 milliards de dollars, le coût de l’infrastructure, qui s’envolent à jamais…

Résister à l’hiver
Qu’en est-il maintenant pour le prochain hiver ? L’Europe a été aidée par l’internationalisation accrue du commerce du gaz. Ce dernier, autrefois une énergie locale, au mieux régionale car distribuée essentiellement au moyen de gazoducs, s’achète depuis 20 ans dans un marché de plus en plus mondialisé grâce à la liquéfaction. Cette technologie permet de faire passer le gaz de l’état gazeux à l’état liquide : cela facilite son transport par bateau.

Ce commerce du gaz naturel liquéfié (GNL) a décollé notamment à la suite de l’accident nucléaire de Fukushima, au Japon, en 2011 : en fermant tous ses réacteurs nucléaires, Tokyo a dû remplacer cette énergie par du gaz venant de l’étranger.

Avec l’invasion de l’Ukraine et les sanctions prises contre la Russie, l’Europe s’est vue obligée de magasiner du gaz ailleurs pour remplir au maximum ses réserves, avec un objectif fixé à 80 %. On a cogné aux portes des fournisseurs distribuant déjà du gaz au moyen des gazoducs, en Algérie, en Azerbaïdjan et en Norvège. Mais aussi chez ceux disposant de terminaux d’exportation de GNL : en Australie, aux États-Unis et au Qatar.

La contribution américaine est particulièrement intéressante. Avant la révolution du gaz de schiste, dans les années 2010, les Américains cherchaient à importer du gaz naturel, craignant des pénuries. Avec la combinaison de la fracturation hydraulique et du forage horizontal, ils sont devenus, et très rapidement, les premiers producteurs de gaz au monde et ont ainsi voulu l’exporter. En seulement sept ans, soit de 2015 à 2022, ils ont surpassé le Qatar comme premier exportateur de GNL.

Cette année, leurs ventes vers l’Europe ont explosé, ce qui a créé une certaine rareté du gaz et fait monter les prix aux États-Unis. Cette situation, incidemment, bénéficie aux Québécois. Comme le gaz servant à la production d’électricité est le principal concurrent d’Hydro-Québec sur ses marchés d’exportation aux États- Unis, sa rareté actuelle contribue à la croissance des prix de l’électricité sur les marchés nord-américains. Les ventes et les profits de la société d’État ont ainsi gonflé cette année : au troisième trimestre, on observait une augmentation de 132 % de ses ventes hors Québec, un bénéfice net en hausse de presque 100 % par rapport à la même période l’an dernier.

Dans un marché mondial du GNL déjà serré, les Européens ont malgré tout joué de chance : les mesures de confinement en Chine ont réduit les achats d’énergie de ce pays, ce qui a libéré du gaz que les Européens ont acheté à fort prix, souvent à la barbe des pays asiatiques moins nantis.

Et le Canada ? Malgré son statut de puissance énergétique disposant de fortes réserves de gaz, surtout en Alberta, il n’a rien pu faire de concret pour aider l’Europe. Le gaz albertain est confiné, n’ayant aucun accès à la mer.

Cela complique l’exportation des ressources canadiennes. La seule exportation de GNL prévue se fera à partir de la Colombie-Britannique et débutera en 2025. Elle vise surtout le marché asiatique.

La sécurité énergétique passe par la transition énergétique
L’Europe pourra-t-elle passer l’hiver sans rationnement de l’énergie ? Difficile à dire. Son premier objectif, soit de remplir ses réserves, a été atteint. Celles-ci n’ont toutefois pas été mises en place pour faire face à des ruptures d’approvisionnement, mais plutôt à des pointes de la demande. En Allemagne, les réserves couvrent à peine deux mois de consommation hivernale.

Pour que tout se passe sans trop de heurts, il faudra une conjonction de plusieurs éléments favorables : un hiver doux, la contribution de la population, qui est invitée à réduire de 10 % sa consommation (notamment en baissant le thermostat à 19 degrés), et une demande énergétique pas trop forte en Chine et en Asie, grâce à une économie au ralenti.

L’Europe a déjà consacré des milliards d’euros à ses citoyens et ses industries pour les protéger de la hausse vertigineuse des coûts de l’énergie. Si elle traverse l’hiver sans pertes de vies, sans trop d’industries mises à mal de manière définitive, elle pourra pousser un soupir de soulagement… mais pas pour longtemps.

Car si, comme cela est envisagé, plus aucun gaz russe ne circule au printemps 2023 entre la Russie et l’Europe, le continent devra encore suppléer à ce manque à gagner pour l’hiver 2023-2024. Or, les producteurs gaziers roulent déjà à plein régime. De nouvelles installations de production seront présentes en 2023 aux États-Unis et au Qatar, mais d’autres qui pourraient grandement aider, au Canada et aussi possiblement en Afrique, ne seront opérationnelles que dans quelques années.

Pour la population européenne, notamment celle de l’Allemagne, pays le plus dépendant du gaz de la Russie, l’hiver qui s’en vient sera celui de tous les dangers. Il faudra se serrer les coudes… au propre comme au figuré.