Poste restante : Alger. Lettre de colère et d’espoir à mes compatriotes

Boualem Sansal, Poste restante : Alger. Lettre de colère et d’espoir à mes compatriotes, Gallimard, Paris, 2006.

Nuit blanche, no. 104, automne 2006

Peu de pays ont été aussi éprou­vés que l’Algérie. Victime d’une colonisation française ayant causé une longue guerre meur­trière de 1954 à 1962 jusqu’au « je vous ai compris » de de Gaulle, cet État d’Afrique du Nord, important pourvoyeur d’immigrants au Québec, long­temps chantre du « tiers mon­disme », reste un paradoxe.

Malgré son pétrole abondant, l’Algérie fait toujours face depuis son indépendance aux mêmes sempiternels problèmes de développement, qui ne semblent jamais trouver de solutions : démocratie vacillante, main­mise de l’armée sur les affaires, forte croissance démographique, émigration massive, carence de logements, approvisionnement erratique en eau et en électri­cité, sans compter la violence qui perdure, malgré la fin de la guerre civile des années 1990 qui a ravagé cette nation dans sa guerre aux islamistes.

Bref, le pays ne décolle pas vraiment, malgré la rhétorique officielle. Le jeune et prometteur écrivain Boualem Sansal a décidé qu’il en avait assez et s’attaque aux mythes fondateurs de l’Algérie moderne, au discours politique fossilisé des diri­geants, qui tentent depuis 1962 de faire avaler au peuple des « vérités naturelles » collant mal à la réalité du pays.

Ces vérités naturelles, ces « Constantes nationales », sont les tabous officiels du régime, encore véhiculés sans change­ment plus de 40 ans après l’indépendance. Le pays a besoin de s’en libérer, sinon de les discuter ouvertement, pour sortir de sa torpeur qui paralyse à la fois la pensée et l’action.

Ces Constantes nationales sont : le peuple algérien est arabe ; le peuple algérien est musulman ; l’arabe est la langue nationale ; la guerre de libération est le grand moment de l’Histoire de l’Algérie. Ces Constantes natio­nales « ont servi et servent seu­lement à cela : hiérarchiser et aligner, marginaliser et exclure, légitimer et consacrer, adouber et enrichir ».

Les Algériens doivent se réapproprier leur langue réelle (mélange de berbère, d’arabe et de français), leur identité multi­ple (berbère, arabe), leur histoire complexe pour mieux conquérir leur avenir. Après ce temps de réflexion et d’échanges, il faut vite bouger, dit l’auteur, car « les sujets ne manquent pas » : les défis sont lourds, nombreux et engageront les efforts d’au moins toute une génération.

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