Magazine Courants, mars-avril 1989
« La filosofi ne sert qu’à réfuter la filosofi. » Écrite ainsi, la réflexion du philosophe a-t-elle le même sens ? La question mérite d’être posée.
C’est que la France, royaume de la polémique, est plongée dans un débat qui pourrait avoir, pour nous, francophones d’Amérique, importantes répercussions.
Les professeurs de français des niveaux primaire et secondaire réclament des reformes linguistiques, plus précisément une simplification du français. Découragés des résultats pitoyables enregistrés lors des dictées, les professeurs appuient leur argumentation sur une statistique étonnante : près de 20 % de la population adulte de France — six millions d’individus — savent à peine lire et écrire. Simplifier le français serait aussi, ajoutent les enseignants, une stratégie viable visant contrer l’engouement pour l’anglais et à préserver le statut de la langue de Molière comme outil international de communication.
Les professeurs en veulent particulièrement a ce qu’ils considèrent être des barrières artificielles à l’apprentissage du français : l’accent circonflexe, introduit au 18e siècle, les pluriels en x (comme dans bureaux), réutilisation du ph au lieu du f, le doublement des consonnes dans la formation des adjectifs (comme dans traditionnel, par exemple).
Autant d’exceptions aux règles dont le français a le championnat parmi les langues européennes, soutiennent les partisans de la réforme. Dans leurs efforts, les professeurs se heurtent toutefois à un opposant de taille : la célèbre et conservatrice Académie française, fondée en 1634 et qui a autorité sur révolution de la langue française. Un de ses membres, André Frossard, déclare par ailleurs : « Les mots ont un sort, un certain mystère, une architecture qui doivent être respectés. »
On ne petit être plus clair. Le débat promet, c’est le cas de le dire, une longue guerre des mots.
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