Texte de Jeune Afrique, 2-8 février 2014
Le vice-président de la Banque de développement de l’Afrique centrale se rêvait gentleman-farmer. Finalement, André Nzapayéké dirige le gouvernement de la transition. Pas vraiment une sinécure !
Lorsqu’il a appris que son ancien collègue de la Banque africaine de développement (BAD) venait d’être nommé, le 25 janvier, Premier ministre du gouvernement de transition centrafricain, le haut fonctionnaire canadien Yvan Cliche a posté depuis Montréal ce message au courrier des lecteurs de J.A. : « Quel revirement dans les plans de vie d’un homme qui me confiait, il y a quelques années, entretenir des rêves de gentleman-farmer dans son pays ! Mais André aime les grands défis, et s’il est un de ses fils sur lequel la République centrafricaine peut compter pour ramener un peu de bon sens dans le pays, c’est bien lui. »
Personne, il est vrai, ne s’attendait vraiment à voir surgir dans le paysage sinistré de la Centrafrique ce technocrate de 62 ans, tout d’abord candidat retoqué à la candidature pour le poste de président de la transition, puis postulant discret à la prima ture, finalement préféré par Catherine Samba-Panza, la nouvelle chef de l’État, à l’incontrôlable Karim Meckassoua.
Encore peu connu de ses compatriotes, André Nzapayéké a mené l’essentiel de sa carrière en dehors des sentiers de l’État et de l’administration, dont il n’est guère familier. Natif de Bangassou, dans le Mbomou, fils d’un pasteur qui fut aussi commerçant, écolier brillant, il décroche une bourse de la Communauté européenne pour suivre des études de sociologie du développement (sanctionnées par un doctorat) et d’anthropologie sociale à l’université d’Amsterdam.
De retour à Bangui au début des années 1980, Nzapayéké y établit un bureau de consultant et milite un court moment au sein du parti d’Abel Goumba, situé à gauche sur l’échiquier politique. Ministre du Développement rural au début des années 1990, sous André Kolingba, il quitte le gouvernement au bout d’un an et fait prospérer son cabinet privé, lequel conseille notamment la coopération du Grand-Duché de Luxembourg, d’où est originaire son épouse. En 2009, il entre à la BAD, où il occupe les postes de président du Conseil du personnel puis d’administrateur chargé de cinq pays d’Afrique centrale, dont le sien.
SOUVENIRS
Candidat malheureux à la présidence de la Commission de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) en 2011, André Nzapayéké devient en 2012 le vice-président de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC). Son passage au siège de cette institution, à Brazzaville, ne lui laissera pas que de bons souvenirs : ses rapports avec le Gabonais Michaël Adandé, président de la BDEAC, deviennent vite exécrables, ce qui n’empêchera pas ce dernier de lui téléphoner pour le féliciter de sa nomination à la primature.
Consensuel, Nzapayéké reconnaît volontiers ce qu’il doit à des hommes aussi divers que les ex-présidents François Bozizé (« il m’a beaucoup aidé ») et Michel Djotodia (« nous nous appelions toutes
les semaines ou presque »), ou encore Karim Meckassoua, qui, lorsqu’il était encore ministre, a porté sa candidature à la Cemac. Proche également du président du Sénat congolais, André Obami Itou, le nouveau Premier ministre dirige depuis le 27 janvier un gouvernement de combat majoritairement composé de personnalités originaires du grand Est de la Centrafrique (région dont Catherine Samba-Panza et lui-même sont issus) et à forte composante féminine.
Objectifs prioritaires : sécuriser Bangui pour qu’un semblant d’économie renaisse, puis empêcher une partition de facto du pays entre un Nord « sélékiste » et un Sud « anti-balakiste ». « Une mission de sacrifice », explique André Nzapayéké, qui confie avoir abandonné un portefeuille financièrement plus que confortable à Brazzaville pour un autre, « voisin de zéro » …
FRANÇOIS SOUDAN
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