Le Soleil, 16 décembre 2020
Au niveau international, l’ONU milite dorénavant pour une déclaration d’urgence climatique jusqu’à l’atteinte de la neutralité carbone. L’Europe s’est engagée à devenir carboneutre d’ici 2050, avec l’adoption d’un ambitieux Pacte vert de 750 milliards d’euros misant grandement sur l’hydrogène et qui touche notamment aux transports, à l’immobilier et à la production d’électricité.
Malgré la présidence Trump, de nombreux États américains et de grandes villes du pays ont aussi pris des engagements de carboneutralité. La Chine, le plus grand émetteur de gaz à effet de serre du monde, s’est également commise pour 2060.
Le Canada et le Québec, on le sait, ont été de la parade avec leurs propres plans annoncés récemment.
Chez les entreprises, le Big Tech (Amazon, Apple, Google, Facebook, Microsoft) et même les pétrolières ont emboité le pas dans la voie de la réduction de leurs émissions, dont les Européennes BP, Shell et Total, qui ont annoncé des objectifs de carboneutralité pour 2050. Les fonds d’investissement, dont l’immense BlackRock, ont revu cette année leurs critères pour tenir compte du risque climatique.
Bref, les intentions sont maintenant ouvertement exprimées, avec des plans à long terme, certes à perfectionner. L’année 2020 apparaît donc comme un moment charnière dans la suite de l’Accord de Paris signé en 2015.
Hausse potentiellement spectaculaire
Comme les émissions de GES ne connaissent pas de frontières, tous les efforts entrepris sur un seul territoire ne suffiront pas pour gagner le combat des changements climatiques.
Dans les pays en développement, et en Afrique notamment, les besoins restent immenses. En matière d’énergie, environ 600 millions de personnes, soit 55% de la population africaine, n’ont pas accès à l’électricité. La cuisson se fait encore trop souvent avec le bois (avec des enjeux graves de déforestation) ou du mazout.
Avec une population représentant moins de 20% de la planète, l’Afrique ne produit que 2% des émissions mondiales de carbone. Mais ces émissions sont assurément appelées à croître, car une personne sur deux qui naîtra dans le monde au cours des deux prochaines décennies sera africaine. Et pour combler les besoins primaires d’une telle population en croissance vertigineuse, un accès accru à l’énergie sera vital afin d’assurer le développement socio-économique du continent et de soutenir une économie moderne de plus en plus axée sur le numérique (et donc sur une électricité fiable).
Cela signifie une multiplication des actifs de production d’énergie: des bâtiments, des industries, des véhicules sur les routes, donc une hausse potentiellement spectaculaire de GES dans l’atmosphère.
Le défi du développement africain était déjà titanesque avant la pandémie. Et voilà que celle-ci a eu des impacts économiques majeurs sur le continent, avec une contraction de 3% de l’économie, mettant en péril les progrès enregistrés depuis 20 ans.
C’est dire que les ressources financières déjà rarissimes des États africains se feront encore plus rares. Il sera dès lors plus difficile de mobiliser les fonds nécessaires à la mise en place d’infrastructures de production d’énergie propre, non polluantes.
Les institutions internationales avaient déjà réuni des fonds pour appuyer les économies des pays en développement dans leurs efforts de développement durable, dont le Fonds vert pour le climat, mis en place par l’ONU en 2010.
Même si les gestionnaires de ce fonds indiquent que les moyens alloués à la finance climatique ont dépassé les 500 milliards en 2018, ces montants restent très largement insuffisants pour appuyer significativement l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris, disent-ils du même souffle.
Les pays développés misent en partie sur les investissements verts pour relancer leur économie. Cet argent entraînera son lot d’innovations technologiques. Malgré nos difficultés économiques actuelles dues à la pandémie, les pays riches devront maintenir une partie de leur portefeuille ouvert afin d’aider les pays en développement. De l’argent, donc, mais aussi des transferts de ces nouvelles technologies et expertises.
Il le faudra, afin que les pays africains puissent poursuivre leurs efforts légitimes de construction d’une économie moderne répondant aux aspirations de leurs jeunes populations, et ce, sans envenimer les changements climatiques.
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