L’énergie de comprendre l’énergie

L’Alternative électrique, décembre 2022, 17e édition

Notre histoire est remplie d’exemples où les énergies, comme le pétrole, ont fait la convoitise de plusieurs puissances économiques. L’énergie peut être de source fossile, produite avec un procédé
nucléaire ou animal. Parfois, c’est le charbon, l’hydrogène (gris, bleu, vert, jaune) le solaire ou le vent. Bref, produire de l’énergie demande beaucoup d’énergies.

Bonne nouvelle ! Le livre Jusqu’à plus soif, d’Yvan Cliche, vient de paraître aux éditions Fides et son auteur, contrairement aux gouvernements, ne rate pas sa cible. Spécialiste de l’énergie au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM), et précieux collaborateur auprès de la communauté, M. Cliche démystifie avec brio un secteur qui, pour plusieurs, est
considéré comme étant… plate.

« Je suis quelqu’un qui avait toujours souhaité, à la retraite, aller plus en profondeur dans un secteur qui m’avait fait vivre, l’énergie. J’ai toujours senti que ça m’intéressait. Je lisais parfois sur le sujet et comme tout le monde, j’ai élevé une famille et tout le quotidien est entré en ligne de compte. Je n’avais pas autant de capacité et de temps pour approfondir le secteur de l’énergie. »

Le nouveau retraité n’a pas perdu de temps pour la parution d’un premier essai, publié le mois dernier, et qui a le mérite d’informer et surtout de communiquer de façon claire les enjeux qui influencent notre quotidien, souvent sans s’en apercevoir. Elles sont sournoises
les politiques énergétiques, parait-il. « Je me rends compte qu’il y avait une certaine soif d’en savoir plus, qu’il y avait un écart entre ce que les gens savaient et ce qu’ils étaient contents d’apprendre. L’énergie, on parle souvent d’Hydro-Québec avec l’électricité, mais on oublie tout le reste. Je crois qu’il y avait un besoin pour un bon nombre de Québécois. »

L’énergie, c’est nébuleux. On se rend compte facilement qu’une fuite de carburant ça pue, mais l’électricité nous la gaspillons souvent par manque de compréhension. C’est également le cas pour plusieurs autres types d’énergies. C’est avant tout une question de survie que vous pourrez apprendre dans ce livre, ce qui remettra à leur place bien des mythes.

« La qualité de vie que nous avons aujourd’hui est exceptionnelle sur une échelle historique, ça vient essentiellement de la consommation d’énergies qui a explosé depuis 150 ans. C’est arrivé en remplaçant le
travail humain par des machines qui avaient besoin d’être alimentées par des sources énergétiques. Ce fut vraiment une profonde révolution à l’échelle humaine. »

Le secteur a beaucoup changé depuis les vingt dernières années et M. Cliche sentait une fracture entre nos perceptions et la réalité. Le gaz s’est internationalisé en migrant des pipelines entre régions, aux bateaux qui l’acheminent maintenant sur le plan mondial. Parmi la nouvelle réalité dont nous devons prendre conscience, il faut se rappeler que la transition énergétique nécessite des minéraux qui vont occasionner l’exploitation de nouvelles mines sur le territoire canadien. Il s’agit d’une transition qui occupera de nombreux diplomates en relation avec la communauté internationale. « Si un État veut survivre et démontrer une certaine puissance, il doit s’assurer d’un approvisionnement énergétique de manière constante.

Ces États vont déployer tous les moyens, y compris des guerres, pour avoir suffisamment d’énergies. » Nous pouvons, justement et malheureusement, observer la situation en Ukraine pour comprendre l’impact du contrôle des approvisionnements sur le plan humain.

Plus près de nous, quelques jours avant de réaliser l’entrevue avec M. Cliche, la GRC arrêtait un individu qui transmettait des secrets industriels de son employeur, Hydro-Québec, au profit d’une puissance étrangère. Il y a 5 ans, sans pétrole, le Québec n’était pas une cible intéressante. L’arrivée de la voiture électrique et la ruée vers le lithium modifient notre position dans le monde. Selon l’auteur, le Québec possède tous les atouts pour se classer comme un grand producteur et distributeur d’énergies propres. Son ancien travail à la société d’état lui a permis de rencontrer beaucoup de dignitaires qui ont salué nos capacités de production et notre sens de l’innovation. Il accorde également beaucoup de mérite à la nationalisation de l’électricité qui a créé une expertise de calibre mondial.

Selon le spécialiste, les batteries, c’est la grande industrie du futur et le Québec est dans la course. Il mentionne que la nouvelle zone d’innovation au Centre-du-Québec, entre les villes de Bécancour, Trois-Rivières et Shawinigan, crée beaucoup d’attentes dans un secteur friand de nouvelles technologies.

Parmi les inquiétudes du public, on retrouve les questionnements sur la capacité de recharger tous les véhicules électriques. Dans un futur proche, lorsque tout ce qui roule sera électrifié, les centrales virtuelles utilisant les batteries des véhicules, des résidences ou les « micro-grids » permettront d’améliorer la sécurité énergétique de la province ou d’un État étranger. Avec ses recherches et son expertise, M. Cliche est convaincu de nos capacités, afin que le Québec puisse être considéré parmi les meilleurs.

« Avec l’utilisation des batteries, ça va devenir comme une réserve d’électricité qui pourra être utilisée par le réseau électrique. Ce que veut dire que ce qui était une relation unidirectionnelle va devenir de plus en plus bidirectionnelle. Il y aura des échanges possibles entre les citoyens et les distributeurs d’électricité, ce qui pourra déplacer une charge de pointe d’environ 200 heures par année. » Comme l’indique M. Cliche, ces périodes de pointe nécessitent la construction d’infrastructures dispendieuses qui ne sont opérationnelles que quelques fois durant l’année.

Avec l’automne qui a fait place à l’hiver plus rapidement que prévu, le livre Jusqu’à plus soif arrive à point. Comme il est impossible de résumer en quelques mots tout le savoir partagé dans cet essai et cet échange avec l’auteur, je vous invite à approfondir vos connaissances en écoutant le podcast de l’entrevue.

BIO DE L’AUTEUR
YVAN CLICHE
Yvan Cliche est fellow et spécialiste en énergie au Centre d’études et de recherches
internationales de l’Université de Montréal (CERIUM). Il a œuvré comme délégué commercial
à Hydro-Québec (Montréal) et comme fonctionnaire international, à la Banque africaine
de développement (Tunis). Il est l’auteur de plusieurs articles depuis 30 ans dans les médias
liés à l’énergie et aux affaires internationales.

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