Nuit blanche, no.149, hiver 2018
Sous la direction de Alain Mabanckou, PENSER ET ÉCRIRE L’AFRIQUE AUJOURD’HUI, Seuil, Paris, 2017, 212 pages.
Issu d’un colloque tenu en 2016 à Paris, ce livre vise à combler un grand déficit d’études et de réflexions sur la littérature africaine en Europe, en France notamment.
Une inconséquence étant donné le destin tissé serré qui unit la France et le continent africain depuis deux siècles. Qui de mieux pour traiter de cet enjeu qu’Alain Mabanckou, auteur du roman primé Mémoires de porc-épic (2006) et professeur universitaire en Californie ; il est l’initiateur de cette démarche qui rassemble plusieurs intellectuels intéressés par le sujet.
On trouve d’ailleurs dans cet ouvrage un texte de Dany Laferrière, sur Haïti, faisant le parallèle entre l’évolution historique du pays et ses effets sur la littérature nationale.
La littérature africaine est complexe : à la fois écriture de proximité et écriture fortement teintée du vécu migratoire. Une littérature appelée à se développer, étant donné la forte croissance démographique du continent et les déplacements des populations africaines vers les continents plus riches et vieillissants d’Amérique du Nord et d’Europe. Ce que l’universitaire Achille Mbembe nomme, dans son texte « L’Afrique qui vient », le lieu où se joue « l’avenir de la planète » dans un monde de migrations planétaires accrues.
Le commentaire qui m’a le plus interpellé est celui de Célestin Monga, fonctionnaire international à l’ONU. L’auteur rappelle les difficultés bien réelles du continent et s’interroge sur les causes de cette pauvreté injustifiée. Selon les uns, elle est due à des facteurs historiques, politiques, économiques (approche structuraliste) ; pour les autres, ce sont les choix, individuels et collectifs des Africains, notamment de leurs élites, qui expliquent leur situation peu enviable (approche culturaliste). Lecture manichéenne qu’il faut dépasser selon lui : la pauvreté africaine n’est pas une fatalité, et il recommande aux intellectuels africains de prendre l’économie plus au sérieux.
En gros, une des idées fortes à retenir de ces diverses contributions est la nécessité pour nos pays de s’approprier bien davantage la littérature africaine. Avec les migrations accrues, le métissage, elle n’est plus une littérature exotique, mais une littérature planétaire, qui ne peut que rejoindre nos propres expériences. Il faut donc lui faire une meilleure place dans nos choix de lecture et au sein des institutions du savoir. Cette littérature, pour exister, doit aussi être reconnue, en somme elle doit faire partie du « récit national », comme le signale un des auteurs, Pascal Blanchard.
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