Analyse d’un mal français

Erna Paris, Analyse d’un mal français, Paris, Ramsay, 1985.

Nuit blanche, no. 24, juillet-septembre 1986

Le livre d’Erna Paris est, comme elle le désigne d’emblée, l’histoire de blessures encore ouvertes. L’histoire d’une France qui n’a pas encore intégré son propre passé, d’une France qui se dissimule derrière ses héros et ses fétiches, pour d’autant mieux cacher son second visage, conservateur et xénophobe.

La présence actuelle de Klaus Barbie en territoire français, celui qui fut le numéro un du nazisme allemand en France, pour subir son procès pour crimes contre l’humanité, réanime le souvenir de l’affrontement de ces deux France, l’une libérale, ouverte, l’autre retournée sur elle-même, que la Résistance de Jean Moulin et le gouvernement collaborationniste de Vichy incarnent de manière quasi mythologique.

Certes, Klaus Barbie est le meurtrier de Moulin, l’ennemi de ce que la France a de plus noble. Mais il draine aussi le souvenir révélateur de la complicité unique de milliers de Français avec les forces nazies, élément oublié de l’histoire officielle.

Pour les Juifs, aux premières tribunes de cette polémique, le retour du colonel nazi fait non seulement revivre les horreurs de l’ethnicisme hitlérien, mais rouvre les plaies de la collaboration de milliers de compatriotes, qui ont trahi les idéaux profonds de la France sous les pénombres de la xénophobie.

L’emprisonnement de Klaus Barbie dans les prisons de Lyon, c’est le retour douloureux de la France sur sa propre histoire, une histoire attisée par le mythe d’un pays uni contre l’entreprise fasciste.

L’ouvrage d’Erna Paris, c’est le questionnement d’une histoire qui reste, selon l’expression d’un journaliste parisien, à se réconcilier avec la vérité.

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