Tag Archives: gestion

Les grandes idées du management. Des classiques aux modernes

W. Jack Duncan, Les grandes idées du management. Des classiques aux modernes, Paris, Afnor Gestion, 1990.

Magazine Courants, octobre 1992

Si vous avez des penchants pour les ouvrages de référence, les livres que l’on consulte épisodiquement mais fidèlement, vous apprécierez Les grandes idées du management – Des classiques aux modernes, de W. Jack Duncan.

Professeur d’université, l’auteur, prolifique et très engagé dans divers organismes de recherche en management aux États-Unis, s’est donné l’ambitieux défi d’exposer les grandes idées ayant permis au management de se constituer en tant que discipline d’étude. Son point de départ se situe en Angleterre et en Écosse au XVIIIe siècle, berceau de la révolution industrielle, avec les penseurs Charles Babbage, chantre de la division du travail, et Andrew Ure, apôtre de la mécanisation. Mais c’est aux États-Unis que se poursuivra l’essentiel de la pensée managériale, indique Jack Duncan, notamment avec le développement de l’industrie automobile.

On voit alors apparaitre les concepts de production de masse et d’économie d’échelle et leur corollaire, l’automatisation et la spécialisation du travail.

« L’ingénierie est la discipline mère du management », écrit Jack Duncan. Face à la recherche d’une efficacité toujours croissante, pas étonnant que s’affirme au début du siècle le credo de la gestion scientifique, dont les principaux porte-parole sont Frederick Taylor et Harrington Emerson.

Les efforts des théoriciens visent à rendre cette discipline le plus scientifique possible afin de lui assurer respectabilité et légitimité. Les travaux de Lyndall Urwick (1944) poseront de façon systématique cette tentative de marier science et gestion, qui entraîneront par la suite des études centrées sur la rationalité dans le processus de prise de décision, notamment par l’entremise de l’école Carnegie-Mellon, et sur le comportement des dirigeants (recherches de Kotter et de Mintzberg).

Mais gérer, c’est chercher à atteindre un but, rappelle Jack Duncan au début de son ouvrage. Pas étonnant que le management ait fait une large place à la gestion des tâches et des objectifs comme pilier du succès des entreprises, concept qu’un auteur comme Peter Drucker a largement contribué à populariser. Et c’est aussi gérer des humains et, là, le management s’y est beaucoup attaqué, entre autres à propos de l’étemelle question de la motivation : Maya, Maslow, Vroom, par exemple, y ont apporté de contributions importantes, qui se sont portées ces dernières années sur la question du leadership, restée pour plusieurs un mystère du management.

Que retenir de ces 200 années de travaux et de réflexions sur le management ? Jack Duncan nous rappelle une vérité première : rien ne se crée dans le vide. Lire : les idées actuelles « ne sont que le prolongement logique d’idées développées ailleurs et d’autres époques ». Il en tire dix leçons celles qui valent pour les générations successives de managers.

La lecture en est fortement recommandée. Citons la dernière : « Les principes du management sont pour la plupart relatifs. L’absolu est l’exception. »

Se souvenir des noms

Magazine Courants, mai-juin 1992

Certains l’ont, d’autres pas. Cette capacité à retenir les noms des interlocuteurs. C’est pourtant un atout essentiel pour entretenir un réseau et en retirer des avantages. Il nous est tous arriver de rencontrer quelqu’un qui, même après une longue période, se souvient de notre nom : quelque part, on apprécie cela comme un hommage, qui contribue à bien amorcer la rencontre. Alors, pourquoi ne faites-vous pas de même ? Il y a des moyens pour développer la mémoire des noms. Avant une rencontre, ayez comme objectif de retenir le nom de quatre personnes. Quand vous rencontrez quelqu’un pour la première fois, prononcez son nom à haute voix et faites une association avec quelqu’un que vous connaissez déjà. « Jean-Guy, du nom de mon beau-frère. » Et si, malencontreusement, vous revoyez une personne dont vous avez oublié le nom, souriez et mentionnez : « Redites-moi votre nom. Je me souviens que nous avons parlé de…»

Du mauvais usage de l’autorité
Plusieurs études ont fait la preuve que la manière d’exercer l’autorité a une grande influence sur la productivité et le moral des employés. Mais c’est souvent le dernier élément soulevé par les dirigeants lorsqu’ils tentent de comprendre la baisse de productivité de l’entreprise. Selon le bulletin Boardroom, un cadre peut abuser de son autorité de trois façons : en voulant être autonome, c’est-à-dire en travaillant seul, sans utiliser les talents de son équipe ; en dissociant l’autorité de la responsabilité, c’est-à-dire en concentrant l’autorité dans les mains de quelques gestionnaires mais en dispersant la responsabilité dans les échelons subalternes ; et, enfin, en s’accaparant seul des bons coups, sans en partager les honneurs avec les employés.

L’humour profitable
Un sondage mené récemment aux États-Unis auprès de cadres de 200 grandes entreprises révèle ceci : 96 % d’entre eux mentionnent que les employés ayant le sens de l’humour performent davantage que leurs confrères à la mine patibulaire. En fait, aucun des participants n’a répondu l’inverse, soit que les employés maussades ou pessimistes travaillent mieux. Le sondage tend à démontrer que ceux qui aiment rire, même dans des moments de tension, sont de meilleurs communicateurs et endurent mieux le stress.

Evaluez ses réunions

Magazine Courants, mai-juin 1992

Une fois la réunion terminée, comment savoir si vous l’avez bien menée ? Voici des questions qui vous permettront d’y répondre. Ai-je trop parlé ? Ai-je clairement défini les termes et les objectifs de la rencontre ? Me suis-je bien fait comprendre ? Ai-je permis la confrontation de points de vue différents ? Ai-je bien gérer les commentaires impertinents ? Ai-je pris soin de faire parler tous les participants ? Ai-je couvert tous les points importants ? Ai-je fait une synthèse claire et complète des principaux points traités et des étapes à venir ? Un truc pour faire cette évaluation avec régularité : préparer un petit formulaire maison sur lequel vous vous attribuez une note concernant chacun de ces points.

Des principes de qualité
Le magazine Partenaires, de Bell Canada, présente une entrevue avec Jacques Horovitz, l’expert français de la qualité. Il énumère 8 principes de gestion pour assurer la satisfaction totale des besoins des clients. Ce sont : connaitre les attentes des clients, être toujours à l’affût de nouveaux moyens pour augmenter leur satisfaction, diffuser au sein de l’entreprise une notion unique de la qualité, élaborer des plans d’action pour mettre en place le service désiré, définir la qualité afin de la faire partager par tous les niveaux hiérarchiques, bien faire du premier coup, avoir des groupes de travail où les employés proposent des solutions aux problèmes de non-satisfaction des clients, et récompenser les employés. En concluant, Jacques Horovitz estime « qu’il faut se mettre dans la peau du client tous les jours pour voir les petits détails qu’on pourrait améliorer ».

Les défauts des patrons

Magazine Courants, mars-avril 1992

Un consultant américain, Robert Kaplan, a recensé les principaux défauts des patrons, à partir de sondages auprès d’employés de plusieurs firmes américaines. La liste est longue ! Énumérons-en quelques-uns. Au sommet de la liste : la politicaillerie. Les employés n’apprécient pas les patrons qui mettent plus d’énergie à bien paraître aux yeux de leurs supérieurs qu’à motiver leurs troupes.

Ensuite, il y a le manque de jugement. Par exemple, les patrons qui ne mettent pas les priorités à la bonne place ou qui appuient leurs décisions sur les émotions du moment. Autre carence des patrons : leur manque de disponibilité. Les employés se plaignent également des patrons indécis, paralysés par la peur de l’échec. Ils déplorent, en outre, le trop grand nombre de supérieurs qui sont arrogants. Il y a aussi les gestionnaires qui en demandent trop à leurs troupes et qui les poussent à l’essoufflement. Les employés n’aiment pas, par ailleurs, travailler pour des supérieurs trop individualistes, qui ne croient pas à l’esprit d’équipe et à la coopération. Triste bilan. Non, parce que personne n’est parfait, ni complètement mauvais. La méthode a surtout l’avantage de fournir de nombreuses pistes où les gestionnaires peuvent améliorer leur performance auprès de leurs employés.

Le soir au travail
Vous arrive-t-il de travailler tard au bureau, histoire de respecter une échéance ou de liquider un surplus de travail ? Si c’est le cas, il est normal que vous ressentiez, à un moment donné, une fatigue difficilement surmontable.

Voici quelques conseils pratiques, suggérés par des études scientifiques, qui permettent au corps de retrouver un peu d’énergie. Allez marcher 10 minutes. Il est démontré que le grand air donne plus d’énergie qu’un café ou qu’une barre de chocolat. Prenez une pause respiration de 2 minutes à chaque heure. Quand on travaille intensément, notre respiration ne nous procure généralement pas assez d’oxygène pour soutenir le rythme de travail. Il faut donc compenser par de profondes respirations. Vous pouvez également intercaler dans vos périodes de travail des séances de musique rythmée, qui vous donne le goût de bouger, allégeant ainsi le poids de la fatigue. Enfin, il existe un seuil de fatigue au-delà duquel notre rendement intellectuel ne peut être artificiellement maintenu, même à coups de marches ou de respirations profondes. À ce moment-là, mieux vaut aller se coucher.

 

Conseils de leaders

Magazine Courants, mars-avril 1992

Le magazine Fortune a fait enquête auprès de plusieurs leaders de divers secteurs de la société américaine et leur a posé une question bien précise : Que voulez-vous que les entreprises américaines fassent en 1992 et à l’avenir ?

Les réponses sont intéressantes. Rapportons-en quelques-unes. Hiérarchie oblige, laissons d’abord la parole à George Bush. Selon lui, les entreprises doivent « continuer à faire ce qu’elles font déjà de mieux ». John Sculley, CEO de la firme Apple Computer, a une réponse surprenante : « embaucher les gens de la classe moyenne ». L’érosion de la classe moyenne nous plongera dans une récession permanente, dit-il.

Jack Welch, le réputé CEO de General Electric, préconise la création d’« entreprises à idées ». Pour cela, un moyen : détruire, au sens propre du terme, les cloisons entre les unités. « Étudier la psychologie », propose Edward Bernays, l’éminent conseiller en relations publiques, dont il est d’ailleurs considéré comme le fondateur. « Aucune activité ne peut se réaliser sans l’assentiment du public », rappelle-t-il. Il faut donc comprendre les gens, leur manière de penser. Jimmy Carter, l’ancien président démocrate, fait de la lutte contre la pauvreté sa priorité. « La principale discrimination, dit-il, n’est pas raciale, elle est celle des riches contre les pauvres. » Pour endiguer la pauvreté, il préconise des actions locales et communautaires, appuyées par les milieux d’affaires.

Identifier le problème
Avant de trouver une solution à un problème, prenez donc le temps de bien l’identifier. Trop souvent, on passe un temps fou à dénicher des solutions, avant d’avoir bien cerné la nature du problème. Plusieurs consultants insistent beaucoup sur ce point.

Un exemple, tiré d’un cas vécu aux États-Unis : une firme soupçonnait des caissiers de voler une partie des recettes de la journée. Après avoir bien examiné ce qui se passait, on s’est rendu compte que le problème était celui-ci : les employés, sous l’effet du stress, faisaient plusieurs calculs erronés. Le remède : donner des cours de math et de calcul mental aux employés. Si les dirigeants s’étaient fiés à leur première impression, ils auraient choisi d’implanter un système de sécurité pour surveiller les employés, ce qui aurait assurément empiré les choses et conduit plusieurs à commettre encore plus d’erreurs.

L’intuition, une alliée

Magazine Courants, janvier-février 1992

Vous voulez développer votre intuition ? Eh bien, croyez-y ! Ce que nous croyons pouvoir faire est un des plus importants facteurs déterminant ce que l’on peut faire. Ensuite, soyez attentif à votre intuition. Peut-être l’utilisez vous déjà sans le savoir ? Mettez-la en pratique. Un bon moyen pour cela : avoir à portée de la main un journal où vous notez vos idées, comment elles vous viennent, de quelle façon.

D’autres techniques : explorez des idées sans objectif défini, pour le simple plaisir de la chose. Abstenez-vous de tout jugement sur ces idées et apprenez à tolérer l’ambiguïté, l’inconnu, le non-fini. Un conseil, en terminant : tous les experts s’entendent pour dire que l’intuition est plus vive, mieux ressentie dans les moments de détente et de relaxation. Elle s’avère également un élément essentiel de l’équilibre psychologique. Et, contrairement à ce que l’on croit généralement, elle n’est pas opposée à la pensée rationnelle, mais constitue plutôt une alliée. La création, l’art signifie une symbiose harmonieuse et constructive de l’intuition et de la raison.

Utiliser tout son temps
Le temps, on n’en a jamais assez ! Si vous êtes de ceux qui pensent cela, peut-être gérez-vous mal le vôtre. Si c’est le cas, voici quelques conseils tirés du livre d’Alain Martin, La maîtrise du temps: l’art et la science. Sachez où va votre temps. Pour ce faire, choisissez au hasard 7 jours où vous noterez votre emploi du temps : tâches, interruptions, etc. Puis, identifiez ce qui est récurrent. Passez-vous trop de temps en réunions ? Êtes-vous trop fréquemment sollicité par vos collègues ? Des correctifs peuvent alors être trouvés. Organisez aussi votre espace de travail. Bureau, classeurs et ordinateur doivent être à la portée de la main et ne jamais être surchargés.

Un truc : évitez les pièges du courrier, en rangeant immédiatement la correspondance et ne manipulez un document qu’une fois. Organisez vos activités importantes au moment de la journée où vos êtes le plus en forme. On voit parfois certaines personnes planifier une tâche vers la fin de la journée, là où elles sont moins dérangées, mais c’est aussi le moment où elles se sentent le plus fatiguées.

À plus long terme, révisez annuellement vos objectifs. Cela veut dire valider ses priorités, ses valeurs, sa vocation. Beaucoup de gens manquent de temps, car ils ne savent pas où ils s’en vont. Un truc : affichez vos objectifs professionnels, car ils vous encourageront à l’action et rappelez-vous que les tâches qui vous occupent doivent avoir un rapport direct avec vos objectifs. Enfin, sans être perfectionniste, utilisez tout votre temps. Pourquoi, par exemple, ne pas utiliser le temps libre dans l’autobus ou à l’aéroport pour faire la lecture de rapports et d’articles. Mais gardez en tête la flexibilité. Vos plans doivent s’adapter à tous les imprévus.

 

Les mots justes

Magazine Courants, janvier-février 1992

Vous arrive-t-il de faire un commentaire à un employé ou à une collègue et de ressentir une « opposition émotionnelle » envers vos propos ? Si c’est le cas, peut être n’utilisez-vous pas les mots justes, les bonnes tournures de phrases. Ces suggestions pour­ront vous aider. Évitez d’exagérer. Si une personne prend plusieurs pauses dans une journée, ne dites pas : « Elle ne travaille pas de la journée. » Utilisez plutôt des exemples concrets. Ne faites pas usage de jugements tranchants, à l’emporte-pièce, où tout est bon ou mauvais. Employez des termes plus généraux, entre les extrêmes. Ne mêlez pas faits et jugements de valeur. Si un colis n’a pas été livré au bon endroit, il s’agit d’un fait et vous pouvez le relever. Mais il n’est pas nécessaire d’ajouter que l’employé ne comprend pas les instructions. Enfin, appliquez la bonne vieille règle de réfléchir avant de parler. Il faut quelques fois se méfier de ses impulsions. Une personne que l’on a la tentation de vilipender peut souvent s’avérer plus tard une alliée précieuse.

Vers la bonne décision
Deux experts en théories des décisions, Edward Russo et Paul Schoemaker, ont résumé pour le magazine Chemical Engineering les éléments clés pour prendre de bonnes décisions. Ces éléments sont au nombre de quatre.

– Structurer la décision, ce qui veut dire définir l’objet de la décision et les critères les plus importants pour arrêter votre choix. Par exemple, vous avez à choisir un employé pour une promotion et vous le définissez comme la « personne la plus apte à produire la meilleure performance au sein du groupe ». Ayez conscience que cette définition renvoie à l’arrière-plan d’autres aspects, tels l’habileté à satisfaire les clients internes ou externes ou le fait de récompenser l’employé ayant fourni les meilleurs efforts.

– Récolter des informations, des faits sur les variables inconnues mais qui permettraient une prise de décision plus éclairée. Un danger : amasser des informations qui confirment des préférences cachées.

En arriver à des conclusions, en s’assurant, bien sûr, des résultats des étapes précédentes.

– Apprendre des décisions antérieures. Voilà où souvent se logent les failles les plus graves. Il faut apprendre de nos erreurs et de nos bons coups. Pour cela, les deux experts recommandent de faire un bilan deux fois par année de nos plus importantes décisions, en retraçant leurs impacts.

Le processus de prise de décision comporte ses pièges. Les deux auteurs en citent plusieurs. Parmi eux, la tentation de prendre des décisions trop rapides, sur la foi de peu d’information ; l’excès de confiance, qui souvent entraîne une certaine fermeture envers certaines variables clés ; et le refus de voir la réalité en face. En effet, quand nous prenons une bonne décision, nous l’attribuons souvent à nos propres habiletés. Mais, à l’inverse, quand nous prenons une décision moins favorable, nous l’expliquons souvent par un concours de circonstances.

 

Grappes et compétitivité

Magazine Courants, janvier-février 1992

Stratégie de développement économique du Québec, théorie des grappes industrielles et rôle déterminant d’Hydro-Québec dans le secteur de l’électricité. Des éléments directement liés où se jouent notre niveau de vie et notre compétitivité.

Le 2 décembre dernier, Gérald Tremblay, ministre de l’Industrie, du Commerce et de la Technologie, dévoilait en grande pompe une stratégie de développement économique à moyen et à long terme pour le Québec. Au coeur de sa stratégie, la notion de grappes industrielles, dont 5 sont déjà concurrentielles à l’échelle mondiale, et 8 autres sont stratégiques parce qu’elles offrent un bon potentiel de développement.

Hydro-Québec est concernée au premier chef par la stratégie du ministre, parce qu’elle se situe au centre l’une grappe industrielle concurrentielle, elle qui a trait aux équipements de production, de transport et de distribution l’électricité. Par sa présence en effet, Hydro-Québec, mentionne un document du ministère, « a encouragé l’éclosion de firmes autochtones ou encore favorisé l’implantation au Québec d’unités de fabrication appartenant à des firmes multinationales ».

Le cas Porter
La stratégie du ministre Gérald Tremblay est une application directe – il le reconnaît l’ailleurs lui-même – des travaux de Michael Porter, professeur à la Harvard Business School, de Boston. Gérald Tremblay, lui-­même MBA de Harvard, s’est surtout inspiré du dernier livre de Porter, The Competitive Advantage of Nations, publié en 1990.

Michael Porter, 44 ans, domine depuis le milieu des années 80 la pensée managériale dans le domaine de la politique d’entreprise et de la stratégie. Dans les écoles le gestion un peu partout dans le monde, ses livres sont devenus un must que lisent religieusement professeurs et étudiants. Michael Porter en est arrivé à remodeler les approches en gestion de la même manière que les théories de Miller et de Modigliani (deux Prix Nobel en économie), mises à la fin des années 50, ont obligé les experts de la finance à revoir leur approche en la matière.

Auteur de 12 livres et de plus d’une quarantaine d’articles, Michael Porter a une formation d’ingénieur de l’Université de Princeton. Après son MBA à Harvard en 1971, il décroche un doctorat en 1973. Puis, il s’enferme 7 ans dans la Baker Library, de Harvard, obsédé par une problématique : quels sont les facteurs qui expliquent, dans un secteur industriel donné, le succès d’une entreprise ? En somme, pourquoi une entreprise reste viable et qu’une autre connaît l’échec ? Les réponses, vous les trouvez dans Competitive Strategy; Techniques for Analyzing Industries and Competitors, publiée en 1980. C’est le succès immédiat : 200 000 exemplaires de vendus. Le téléphone de Michael Porter, bien silencieux durant ses années de recherche, ne cesse de sonner. On se l’arrache, qui pour des consultations, qui pour des conférences.

En 1985, Porter réapparaît. C’est la publication de Competitive Advantage: Creating and Sustaining Superior Performance, qui dépassera lui aussi la barre des 100 000 exemplaires. Superstar, Michael Porter devient millionnaire. Parallèlement à la vente de ses livres, cassettes et conférences à 25 000 $, il crée en 1982, avec son collègue Mark Fuller de Harvard, la firme Monitor, qui a ses bureaux dans plusieurs villes du monde et des clientes parmi les plus grandes entreprises de la planète.

Même les dirigeants politiques sont friands de ses conseils, surtout depuis la parution de son dernier livre, qui donne une approche conceptuelle du rôle des États et du comportement des entreprises pour réus­sir dans le nouvel environnement économique international. C’est ainsi que le gouvernement fédéral, de concert avec le Business Council on National Issues, lui commandait, début 1991, une étude de 1,2 million sur la compétitivité de l’économie canadienne. En octobre, Michael Porter était à Toronto, et à Montréal en décembre, pour livrer aux gens d’affaires les principales conclusions de son étude.

L’avantage concurrentiel
On le sait tous, les facteurs qui auparavant déterminaient la richesse d’une nation, par exemple les ressources naturelles, la quantité et le prix de la main-d’oeuvre, ne sont plus aujourd’hui des facteurs de compétitivité. Car ces facteurs sont statiques. Or, dans une économie globale, les vrais facteurs de compétitivité sont dynamiques, c’est-à-dire qu’ils requièrent un processus permanent d’innovation et d’amélioration. Michael Porter identifie quatre caractéristiques fondamentales de la compétitivité, qui forment un système nommé « le losange de l’avantage concurrentiel ».

La première caractéristique est l’état des facteurs de base, c’est-à-dire que le pays doit disposer de facteurs de production fondamentaux, telles la main-d’oeuvre, l’infrastructure, les richesses naturelles. Dans ses travaux, Michael Porter mentionne qu’en plus de garantir aux citoyens une bonne formation de base, il faut que l’État s’assure que la formation universitaire correspond de très près aux besoins des secteurs industriels de l’économie. Rappelons qu’au Canada, des milliers d’emplois ne trouvent pas preneurs parce que les entreprises ne dénichent pas chez nous les personnes qualifiées pour les remplir.

La deuxième est l’état de la demande, soit la nature de la demande dans le marché intérieur pour le produit ou le service concerné. Michael Porter fait un lien direct entre les exigences des acheteurs sur le plan local et le succès des entreprises sur le plan international. Plus les acheteurs locaux sont exigeants, plus les firmes sont appelées à développer un avantage concurrentiel, pouvant ensuite être exporté.

La troisième concerne les activités liées et de soutien, soit la présence, dans le pays, de fournisseurs et autres entreprises connexes qui soient compétitifs sur le plan international. Selon l’auteur, plus les interactions entre fournisseurs et utilisateurs sont importantes, plus il se crée un échange permanent d’idées et d’expérimentation favorable à l’innovation.

Enfin, la quatrième caractéristique est la stratégie de l’entreprise, sa structure et la rivalité. Michael Porter récuse une idée reçue : celle qui veut qu’en ce contexte de mondialisation, il soit malsain pour un pays d’avoir plusieurs compétiteurs dans un même secteur, conduisant à une dispersion des efforts. La rivalité interne, dit-il, pousse les entreprises à innover et à progresser, en baissant les coûts, en améliorant la qualité, en créant de nouveaux produits.

Les grappes
Quel est le rôle, dans ce losange, des grap­pes, concept utilisé par Gérald Tremblay dans l’identification des secteurs économiques forts et d’avenir pour le Québec ? Michael Porter définit les grappes comme « des ensembles de fournisseurs, de clients et d’industries liées qui sont tous concurrentiels dans leurs domaines respectifs ». C’est avec des grappes qu’un pays peut faire sa marque au niveau mondial, car l’existence d’une grappe offre un terrain fertile à l’innovation et, ce faisant, à la création d’avantages comparatifs face aux compétiteurs.

C’est pourquoi il préconise la spécialisation autant des entreprises que des économies. À l’instar d’une entreprise, il est vain pour une économie nationale de tenter de réussir dans trop de secteurs à la fois. Il vaut mieux miser sur la création de secteurs spécialisés, qui fournissent un avantage concurrentiel. Pour cela, insiste Porter, il faut commencer sur le plan national. En effet, l’entreprise doit d’abord faire ses marques dans son propre marché, avant de prétendre réussir à l’étranger.

Ce qui est en jeu, signale Michael Porter, n’est rien de moins que notre niveau de vie. Seule notre compétitivité à l’échelle mondiale pourra nous assurer de mieux vivre qu’autrefois. Or, dans le monde d’aujourd’hui, c’est uniquement en se spécialisant autour des grappes qu’une économie peut renforcer sa compétitivité. Être plus compétitif signifie être plus productif, ce qui veut dire ajouter de la valeur aux produits. Dans une économie transitant de la production de masse à la production à valeur ajoutée, on y arrive de deux façons : en augmentant la qualité des produits ou en renforçant l’efficacité de la production.

L’INDUSTRIE DE L’ÉLECTRICITÉ
Selon l’analyse de Gérald Tremblay, il existe 5 grappes concurrentielles au Québec, ce qui signifie « qu’elles regroupent des entreprises compétitives sur la scène mondiale et une bonne synergie existe à l’intérieur de leurs réseaux ». Ce sont l’aérospatiale, l’industrie pharmaceutique, les technologies de l’information, la transformation des métaux et miné­raux ainsi que les équipements de production, de transport et de distribution d’électricité.

Hydro-Québec est, bien sûr, le catalyseur de cette dernière grappe concurrentielle. Tout autour d’elle orbitent des secteurs d’activité liés à la fabrication des équipements requis pour la production, le transport et la distribution d’électricité. Le noyau de cette grappe : l’industrie de la fabrication. Elle est composée de 5 secteurs, soit le matériel électrique de commutation et de protection, le matériel électrique d’usage industriel, les transformateurs électriques, les fils et câbles, les turbines, alternateurs et autres matériels de transport d’électricité. Sans oublier les secteurs qui lui fournissent les produits ou les services nécessaires à la fabrication. Tous ces secteurs existent pour répondre aux besoins d’Hydro-Québec, d’où le rôle majeur que joue l’entreprise dans cette grappe.

Des produits de qualité au meilleur coût
Cependant, constate le ministre, il y a beaucoup à faire pour développer cette industrie au niveau international. Les entreprises installées ici, en majorité des filiales d’entreprises multinationales, importent la technologie au lieu de la concevoir ici et n’ont aucun mandat d’exportation de leur savoir-faire à l’échelle du globe.

Quant aux entreprises québécoises, elles sont peu présentes à l’étranger, particulièrement dans les pays en voie de développement, dont les besoins sont très importants dans ce domaine. Nos entreprises présentent deux carences : elles manquent de financement et elles travaillent peu en consortium (fournisseurs, fabricants, consultants). Or, ce sont surtout des projets clés en main qui sont en demande, d’où la nécessité de se regrouper. Les entreprises québécoises doivent donc améliorer leur positionnement pour faire leur marque dans le secteur de l’électricité au niveau mondial et c’est pourquoi, dans ses documents, le ministère de l’Industrie, du Commerce et de la Technologie parle d’« encourager la restructuration de cette industrie », afin qu’elle puisse «profiter de la libéralisation des échanges commerciaux internationaux».

Le meilleur soutien qu’Hydro-Québec peut donner aux entreprises de ces secteurs, selon la théorie de Michael Porter, c’est de continuer à exiger d’elles des produits de très haute qualité, au meilleur coût possible. Pour reprendre les paroles du ministre Gérald Tremblay, « c’est la clé de leur succès à l’exportation et de notre réussite collective ».

 

Des faits SVP

Magazine Courants, novembre-décembre 1991

Nous sommes tellement avides de porter des jugements et des opinions que, bien souvent, nous les considérons comme des faits, déplore l’ancien président d’ITT, Harold Geneen. Or, pour prendre des décisions éclairées, les gestionnaires ont besoin de faits.

Harold Geneen conseille aux gestionnaires de se méfier des faits apparents, des faits non vérifiés, des conclusions évidentes. Pour les déceler, il faut se demander si les faits présentés ne se fondent pas sur des postulats erronés, qui cachent des préférences et des jugements de valeur. Quand on vous présente un renseignement comme un fait, faites donc comme les journalistes professionnels : vérifiez-en la source, plutôt deux fois qu’une.

La fatigue interactionnelle
Souffrez-vous de fatigue interactionnelle? Le bulletin Le Médian, publié par l’ENAP, décrit ainsi quelqu’un aux prises avec cette affection : il ne veut plus voir personne, n’a le goût de parler à quiconque et n’a plus la force d’écouter qui que ce soit, y compris son partenaire ou ses amis. Ce mal touche surtout les personnes dont les fonctions exigent qu’elles aient des contacts fréquents et continus avec d’autres personnes. C’est le cas des médecins, des infirmières, des enseignants.

Les gestionnaires peuvent aussi en être atteints, en raison des nombreuses relations qu’ils doivent entretenir, avec leurs pairs, leurs employés, leurs supérieurs. La fatigue interactionnelle annonce souvent un burn-out. Il faut donc, au départ, prendre conscience du phénomène. Pour éviter les complications qu’elle sous-tend, il existe deux options. La première : réduire les contacts, en limitant la participation à des comités ou la durée des rencontres. Seconde option : se changer soi-même. Voilà qui est bien sûr plus long et plus difficile. Elle présuppose notamment de mieux se connaitre et d’être conscient de ses besoins.

 

Comme les plantes

Magazine Courants, novembre-décembre 1991

Les problèmes de communication des entreprises se situent dans la communication ascendante (de bas en haut) et la communication latérale, estime Robert Lefton, consultant américain en communication. Selon lui, la communication entre fonctions est rarement bien développée, ce qui gêne grandement le travail d’équipe tout en limitant l’émergence d’idées novatrices.

Pour lever ces barrières, dit-il, il faut éliminer tout climat de peur dans l’entreprise, qui entraîne des blocages et des distorsions dans la transmission de l’information. Tout comme les plantes ont besoin d’un environnement adéquat pour se développer, la communication ne peut être effective que dans un climat de collaboration, de confiance et de critique constructive. On ne se doute pas à quel point une communication déficiente peut nuire à une entreprise.

Le consultant donne l’exemple d’une firme où les ingénieurs avaient travaillé des mois à l’agrandissement de la division des ventes, alors que l’unité envisageait, durant tout ce temps, la décentralisation de ses activités. La communication efficace dans une entreprise, c’est une question d’attitude : il faut s’ouvrir, être un tantinet candide et croire davantage à la synergie du travail d’équipe qu’au succès individuel.

Pour satisfaire la clientèle
Quelles sont les caractéristiques des entreprises totalement consacrées au service à la clientèle ? La Harvard Business Review répond à la question dans un article intitulé The Service-Driven Service-Company.

Auparavant, y lit-on, les entreprises de service étaient organisées comme des entreprises manufacturières produisant des biens de masse. L’accent était mis sur le contrôle et la standardisation. Ce faisant, elle instaurait un « cycle de l’échec » qui entraînait en bout de ligne des clients et des employés insatisfaits.

Les entreprises qui profitent d’un haut niveau de qualité de service aux clients brisent ce cycle de l’échec en inversant la pyramide autour des employés. Elles configurent l’organisation à partir et autour des employés qui ont des contacts directs avec la clientèle. Ces entreprises privilégient autant, sinon plus, la formation des employés que l’investissement technologique ; font usage de la technologie pour soutenir le travail des employés et non pour les remplacer ; et associent le salaire avec le rendement, évalué à partir d’objectifs clairs et motivants pour tous les employés.